Samuel Jean – Comité de solidarité/Trois-RivièresInternational 

De la bouche de plus d’un, le droit à la liberté et à la vie est menacé en Haïti. Évidemment, les actes de criminalité, de représailles et d’enlèvements en série durant ces trois dernières années ne démentent pas cet état de fait. Où sont passées les autorités ? À quelle fin fait-on régner la terreur au sein de la population haïtienne ?

Le 1er janvier dernier a marqué la 217ème année de la Proclamation de l’indépendance d’Haïti. Une date qui rappelle la bravoure d’un ensemble d’esclaves décidant de vivre libres ou mourir. Ce faisant, ils sont parvenus à mettre en échec l’armée napoléonienne et donner naissance à la première république noire du monde le 1er janvier 1804. Cette date symbolise également la fierté du peuple haïtien. La liberté, la résistance, l’égalité entre tous êtres humains… Cependant, au lendemain de l’indépendance, les nouveaux dirigeants n’ont pas réussi à instaurer un système structuré garantissant le bien-être de tous. Parallèlement à l’hostilité des puissances colonialistes de l’époque, les crises intestines entre les groupes sociaux ont rongé systématiquement Haïti. En outre, la course au pouvoir politique a toujours été l’élément déclencheur conduisant le pays à des périodes d’impasses et d’instabilité politiques. Lesquelles ont favorisé l’implantation des pouvoirs autoritaires, des occupations étrangères et des crises socio-économiques aiguës. Qu’en est-il aujourd’hui dans ce pays démocratique ?

L’insécurité généralisée et les massacres commandités

Force est de constater que le phénomène d’insécurité bat son plein en Haïti depuis un bon bout de temps. Nul n’est à l’abri. Les forces de l’ordre ne sont pas toujours bien équipées pour répondre aux attaques des malfrats. Pour certains, cela est dû à la mauvaise gouvernance du pays, qui entre autres, favorise le trafic illicite des armes à feu venant d’autres pays. D’où la recrudescence de la violence et des gangs armés dans presque toutes les régions, et ce, à des fins politiques.

Plusieurs de ces crimes enregistrés ces dernières années sont liés à la position idéologique ou politique des victimes. Les personnes décidant de jouir pleinement de leur liberté d’expression en font les frais. Pensons à l’assassinat de Me Monferrier Dorval, à son domicile, le 28 août 2020 et celui de Gregory Saint-Hilaire, étudiant de l’Université d’État d’Haïti, qui a reçu une balle dans le dos dans l’enceinte même de son école, le 2 octobre 2020. Tous deux avaient un discours prônant le changement du pays. Ils affichaient publiquement leurs désaccords avec le mode de gestion de la chose publique et revendiquaient une vie meilleure pour le peuple. Soulignons par ailleurs que les quartiers démunis font souvent l’objet de scènes de crimes et de massacres sous le regard fainéant des autorités en place. Le massacre de La Saline, en novembre 2018, qui a ôté la vie d’une vingtaine de personnes, n’est pas le seul sur la liste. Néanmoins, plusieurs organisations haïtiennes de défense des droits humains et de la communauté internationale ont dénoncé et rapporté que des gangs réputés proches du pouvoir exécutif seraient les responsables de ce massacre. En effet, dans plusieurs zones d’Haïti c’est plutôt la logique des armes qui remplace la loi tandis que le pays approche d’une période électorale.

L’actuel président d’Haïti, Jovenel Moïse, et son prédécesseur, Michel Martelly sont tous les deux soupçonnés de participation au scandale PetroCaribe, une vaste fraude de près de 4 milliards $ qui s’est faite aux dépens du peuple haïtien. Ce scandale de corruption, au plus haut niveau de l’État, a entraîné d’énormes manifestations qui sont aujourd’hui réprimées dans la rue, autant par les forces de l’ordre que par des gangs criminels soupçonnés d’être à la solde de politiciens corrompus.

La présidence de Jovenel Moïse et les enjeux démocratiques

Contesté par plusieurs regroupements politiques, dont une bonne partie de la population, le président Jovenel Moïse a rencontré et rencontre encore de grandes difficultés depuis son élection en novembre 2016. Selon lui, les difficultés structurelles héritées de ses prédécesseurs et les multiples manifestations populaires constituent des entraves qui l’empêchent de concrétiser ses projets pour le pays. Ainsi, par son caractère mythomane et son implication dans des dossiers de corruptions, le président a perdu de plus en plus sa légitimité aux yeux du peuple malgré l’appui de la communauté internationale.

D’ailleurs, le bilan de M. Moïse est très insignifiant par rapport à ses promesses de campagne et aux exigences de la Constitution haïtienne. La non-réalisation des élections a conduit, entre autres, au dysfonctionnement du parlement haïtien et à la nomination des cartels municipaux par le président de la république. Depuis janvier 2020, M. Moïse a la latitude de diriger le pays par décret. Selon le quotidien haïtien Le Nouvelliste, entre le 22 janvier et le 9 décembre 2020, le pouvoir exécutif a adopté pas moins de 41 décrets, 120 arrêtés et une nouvelle loi. Le décret portant sur la création du Comité Consultatif Indépendant pour l’élaboration du projet de la Nouvelle Constitution, publié en octobre 2020, et celui portant sur la création de l’Agence Nationale d’Intelligence (ANI), publié en novembre 2020, ont suscité beaucoup de réflexions autour de la velléité dictatoriale du régime en place. Il faudra toutefois attendre la fin du mandat constitutionnel du président, soit le 7 février prochain, pour enfin se faire une idée du destin de la population haïtienne.

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