Steven Roy Cullen – Août 2020 

Le parcours d’art actuel Interzone est de retour pour une troisième édition. Jusqu’au 30 septembre, ce sont plus de 18 artistes dont Jean-Pierre Gaudreau, Lorraine Beaulieu, Philippe Boissonnet et Jean-Jules Soucy qui exposent au centre-ville de Shawinigan.

Selon l’artiste Louise Paillé, co-instigatrice du projet Interzone, « à l’heure de l’autoroute numérique, du cyberespace, des couleurs saturées, des écrans brillants, propres, sans textures et sans odeurs, il reste dans nos vies beaucoup de zones moins rutilantes : des arrière-cours, des ruelles, des hangars ». Il s’agirait d’interzones « aux architectures grugées par le temps; fenêtres barricadées, balcons érodés, matériaux rouillés, patinés, disloqués, éreintés…».

Crédits: Hélène Vallée – Instants.info

Une ruelle qui prend vie

La ruelle sise entre les artères commerciales et résidentielles des 4e et 5e rues de la Pointe à Shawinigan est une de ces interzones, un entre-deux où le temps a fait son œuvre. Témoins de la vie passée, cette ruelle continue d’être animée par les discussions entre les livreurs, les éboueurs, les commerçants et les résidents. Mais, jusqu’à la première intervention des artistes à l’été 2018, elle était boudée par les visiteurs et autres résidents de Shawinigan.

Depuis, l’interzone est devenu un véritable lieu de rencontre en mouvement. Le caractère éphémère des œuvres invite les visiteurs à revenir année après année. « Interzone continue, insiste, se renouvelle à chaque année. Démocratiser l’art, faire rayonner les artistes, leur donner le goût de s’installer au sein de cette effervescence. Oui! », écrit l’artiste et co-instigatrice du projet Josette Villeneuve au sujet d’Interzone2020.

Oeuvres de Roxanne Lacourcière – Crédits: Hélène Vallée

Artiste humaniste

Une des artistes qui a eu le goût de s’installer au sein de cette effervescence en 2020 est Roxanne Lacourcière. Connue dans le milieu pour ses œuvres engagées et utilitaires qu’elle vend sur la plateforme Etsy par l’intermédiaire de son entreprise Les Chinoiseries, cette artiste shawiniganaise propose une démarche artistique à première vue féministe.

Tout en acceptant l’étiquette féministe, la principale intéressée se dit davantage humaniste. « Au baccalauréat, j’avais une professeure qui me disait “tout ce que tu fais, c’est vraiment féministe”, mais pour moi ça ne voulait absolument rien dire, souligne-t-elle. J’ai l’impression que mes œuvres sont beaucoup plus humaines que féministes maintenant. »

Difficile de ne pas voir transparaître, malgré tout, les luttes féministes à travers ses œuvres avec des slogans comme « Nos jupes sont courtes pas nos idées! ». « C’est sûre que ça teinte encore [ma pratique] parce que ça fait partie de moi », avoue celle qui se dit tout simplement influencée par son parcours, son vécu et les enjeux sociaux qui l’interpellent.

« On passe par plein de chemins dans la vie. Cette année a vraiment été difficile pour moi sur le plan personnel. Puis, j’ai l’impression qu’il y beaucoup de ce vécu qui ressort », indique Roxanne.

L’artiste de Shawinigan, Roxanne Lacourcière explore dans Être un corps notre rapport au genre.
Crédits : Hélène Vallée d’Instants.info

Être un corps

Les visiteurs d’Interzone2020 sont touchés par la douceur et l’aspect chaleureux de son installation intitulée Être un corps. Selon l’artiste, cela traduit son besoin de réconfort et de bonheur en cette année particulièrement difficile.

Inspirée par ses réflexions sur le corps et les dialogues de la télésérie Transparent de Jill Soloway, Roxanne explore dans Être un corps notre rapport au genre. Ses toiles fixées aux fenêtres barricadées de l’arrière-boutique de Tous les jours dimanche présentent des humains enlacés avec les cheveux entremêlés voire fusionnés. Les visages sont volontairement absents ou cachés derrière les cheveux spaghettis. Seuls nos préjugés trahissent le genre des corps autrement évacué de l’œuvre.

« Ces œuvres, voilà ce qu’elles reflètent: avoir la possibilité d’être un humain, un corps, de vivre en faisant fi de l’apparence, du sexe, du genre, des origines, etc. Simplement sentir et vivre pleinement les sensations. Fermer les yeux, laisser courir les frissons, les envies, les désirs, se laisser envahir », écrit au sujet de ses toiles celle qui signe également le design de plusieurs tissus des vêtements de Fait par une maman et des nouvelles étiquettes de la Microbrasserie Broadway.

Interzone2020 jusqu’au 30 septembre à Shawinigan.

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