Magali Boisvert, juin 2019
Pour Javier Escamilla, la création ne naît pas d’une inspiration divine ou d’un processus spontané, où les mains sur la matière première lui insuffleraient quoi créer. L’artiste d’origine colombienne est plutôt enraciné dans la recherche et dans les enjeux planétaires qui le préoccupent.
«Ma démarche de création est plongée dans trois sujets — la conservation de la vie sur la planète, la défense des droits de la personne et la critique de la société de consommation—, et à partir de ces trois sujets, je fais des recherches, j’écris, je commence à dessiner. Je peux explorer quelles sont les possibilités, si cette idée marche bien en peinture, en sculpture, en photo, en vidéo… Je ne me sens pas spécialiste dans aucun domaine de l’art, je sens que je suis curieux.»

«Je peux explorer quelles sont les possibilités, si cette idée marche bien en peinture, en sculpture, en photo, en vidéo… Je ne me sens pas spécialiste dans aucun domaine de l’art, je sens que je suis curieux.»
En tant que médiateur culturel, Javier vit la création à la fois de manière individuelle et collective. À travers des projets tels que Change le monde, une œuvre à la fois avec le Réseau In-Terre-Actif du Comité de Solidarité de Trois-Rivières (CS3R) et des centaines de participants du niveau scolaire et grand public, il fait naître l’inspiration chez les autres.
Mauricie, terre d’adoption
Que Javier se soit retrouvé en Mauricie n’a jamais été un choix. Contraint de quitter sa Colombie natale il y a 17 ans avec sa famille en tant que réfugié politique, leur sécurité était menacée par des groupes violents qui n’aimaient pas «la résistance civile non armée» de l’artiste.
Or, Javier se définit maintenant, 17 ans après son départ de la Colombie, comme un «tropico-boréal». Comme artiste, il affectionne particulièrement la région : «Ça m’intéresse énormément, le terrain de la Mauricie ! La Mauricie, c’est extraordinaire, il y a une histoire assez importante de transformation du paysage au niveau de la foresterie, de la rivière Saint-Maurice; ce sont des sujets qui me touchent comme artiste et comme citoyen.»
Vivre de son art comme artiste immigrant
La vocation d’artiste a été d’autant plus difficile à soutenir pour Javier, du fait de son statut d’immigrant. Afin d’apprendre le français, M. Escamilla se bute contre l’idéologie qu’il cherche à critiquer : «Le processus d’intégration, c’est un processus qui doit favoriser surtout le marché.» On lui propose des stages au Wal-Mart, au Maxi, alors qu’il avait déjà une carrière reconnue comme médiateur culturel en Colombie.

Javier a été l’un des “Pédagogues de l’espoir” du documentaire de Pauline Voisard.
Crédits : Productions Triangle
Or, en s’inscrivant au baccalauréat en arts visuels à l’UQTR, Javier réussit à faire créer un poste fait sur mesure pour lui : auxiliaire de recherche, afin de faire du réseautage avec d’autres universités d’Amérique latine.
«Ce sont des petits contrats qui m’ont permis d’avoir un peu plus de revenus, mais faire grandir aussi mon CV. Je savais que c’était une chose avec laquelle il fallait avoir beaucoup de patience, parce que comme artiste, il faut se faire connaître dans le milieu», dit-il.
Aux artistes émergeants de la Mauricie, il souhaite de la persévérance, de la constance et de la confiance envers les organismes comme Culture Mauricie, qui l’ont beaucoup aidé à apprivoiser le b.a.-ba du milieu culturel mauricien.