Photo : Zohra Cloutier

Un texte de Zohra Cloutier

Gagnant du prix Robert-Cliche 2022 pour son premier roman Plessis (VLB, 2022) et  professeur de philosophie au Cégep de Trois-Rivières, Joël Bégin nous laisse entrer dans son univers entre histoire et fiction.  

Joël Bégin, originaire de Louiseville, nous confie que c’est un peu par accident que l’écriture est arrivée dans sa vie. « Je me considère plus comme un lecteur que comme un écrivain, dit-il. Mais j’ai toujours eu un intérêt fort pour le roman. À l’université, mon mémoire portait sur la métaphore et la poétique, l’aspect plus philosophique de la fiction et du langage. » Cette passion pour l’écriture s’est développée durant plusieurs années avant que l’auteur voie le lien étroit entre ses différents textes : « J’ai commencé à prendre des notes, à écrire quelques petites histoires. Tranquillement, le cahier s’est rempli, j’ai vu les liens entre les récits. J’ai commencé à les tisser ensemble et ça m’a donné la première ébauche de Plessis. » 

Détenteur d’une maîtrise en philosophie, le jeune auteur confirme que son corpus théorique influence son univers créatif : « J’ai compris au fil de mes lectures que la fiction et la réalité, ce n’est pas une dichotomie. L’une se retrouve dans l’autre. » Il explore la frontière délicate entre réalité historique et fiction : « Tout fait est une construction. Le projet de la fiction n’est pas le même que celui de l’histoire, mais il permet de comprendre l’histoire. » L’écrivain mauricien entrelace des composantes fictionnelles à des bribes d’histoires, créant ainsi un récit hybride. Or il se fixe tout de même des limites. Il refuse par exemple de modifier certains détails, estimant que leur intégrité est nécessaire à la trame narrative : « Je sens beaucoup de liberté dans ce que je fais. Parfois je ne vais pas trafiquer un élément parce qu’il est essentiel au personnage. C’est ma seule contrainte. Mais souvent, je vais sortir de la ligne directrice des biographes. » L’histoire est donc ce qu’il appelle « son matériau de base » à partir duquel il construit ses récits. 

Le romancier s’est également inspiré de faits historiques lors de la création de Pénélopes, une nouvelle qui paraîtra dans le prochain numéro du Sabord, dont le thème sera « Brouhaha ». Il y intègre un nouveau procédé narratif, la superposition : « Je fais se chevaucher deux époques ou deux lieux, qui ont souvent le même nom ou des ressemblances culturelles. Dans Pénélopes, mon intention n’est pas que de faire le lien entre deux époques, mais de les superposer pour que les deux soient visibles. » Joël Bégin s’amuse également avec le langage et les sonorités : « Le langage joue aussi un rôle de rapprochement, souligne-t-il. Le français québécois, particulièrement à l’oral, ressemble un peu à du vieux français. Les mettre côte à côte crée un entre-deux un peu bizarre qui souligne les ressemblances. » Ce concept de superposition sera d’ailleurs l’élan de son second roman tout juste commencé, où l’auteur se plonge dans la Mésopotamie et l’industrialisation du Québec. Son style unique nous invite à suivre avec intérêt son parcours littéraire !

Extrait de la nouvelle Pénélopes 

Entrée d’une troisième tisserande.

– Ah non, pas elle.

– C’est qui ?

– Tu pognes pas les nerfs, ok ?

– Ça dépend c’est qui. J’aurais juré les avoir fourrés pas loin…

– M’dame Des Granges ! Z’êtes pas à Limoilou ?

– Mon Jacques devait acquitter office en ville avant que nous mettâmes les voiles pour Fontainebleau. Vous ne remarquez rien de nouveau sur ma personne ?

– As-tu regardé dans ta bourse ?

– Admirez-moi cette bague.

– Je les ai ! Z’étaient dans ma brassière. Approchez, que je puisse zieuter. C’est-tu fait en faux joyaux du Nouveau Monde ?

– Mémé !

– Quoi, ça fait des jours qu’elle nous rabat les oreilles avec les exploits de son capitaine.

– T’es la première à avaler tous les ragots.

– Je vous eus bien vues, vous, traverser la mer océane pour étendre la France, braver les mouches et les loups-garous, souffrir le froid polaire, les dents qui tombent et…

– Bon, tasse-toi, laisse-moi voir… tout est beau, t’es encore en sergé. Mais que tu sois prête, tu peux repartir.

– Et puis ma coiffe, n’est-elle pas affaire à rendre jalouse ?

 

 

 

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