Alain DumasAlain Dumas, économiste, décembre 2018

Les partisans de la mondialisation soutiennent que celle-ci favorise la croissance économique et, par effet de ruissellement, l’enrichissement de tous. Ainsi, nous serions condamnés à accepter la mondialisation actuelle, sous peine de s’appauvrir. Mais alors pourquoi des vents contraires au libre-échange ne cessent de souffler ? Assistons-nous à un mouvement de démondialisation ?

Des vents contraires à la mondialisation

C’est le sociologue philippin Walden Bello qui est à l’origine du mot démondialisation. Dans un livre paru en 2002, il dénonçait les excès de la mondialisation et proposait de recentrer nos économies sur la production locale. Depuis cette dénonciation, le mouvement social contre la mondialisation s’est cristallisé autour de deux préoccupations.

D’un côté, on craint la perte de souveraineté des États. Avec la mondialisation, les gouvernements ont cédé dans les domaines fiscal, social et environnemental dans le but d’attirer et de garder les investisseurs étrangers. Ainsi, la mondialisation est devenue une guerre de prédation économique et écologique du monde. Les récents accords entre le Canada, et l’Union européenne (AECG), et les pays du Pacifique (PTP), et les États-Unis (AEUMC), témoignent de cette perte de souveraineté dans le domaine agricole. C’est 9 % du marché canadien qui est maintenant ouvert aux géants agro-industriels étrangers, ce qui équivaut à un mois de revenu pour les agriculteurs québécois.

D’autre part, la mondialisation n’a pas tenu sa promesse d’enrichir tout le monde. Oui, la croissance économique a augmenté, mais les inégalités aussi. Comme l’affirmait Pascal Lamy, ancien directeur de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), la mondialisation a fait « un petit nombre de gros gagnants et beaucoup de petits perdants ». Comme le montre la figure ci-bas, les revenus des 0,01 % et des 0,001 % les plus riches ont augmenté respectivement de 140 % et 230 % depuis 1980. C’est pourquoi les 1 % les plus aisés de la planète ont capté 27 % de la croissance mondiale, alors que la moitié de la population mondiale du bas n’en a reçu que 12 %. Le Québec n’est pas en reste : le revenu moyen des 0,1 % les plus riches a augmenté de 137 % depuis les années 1980, et de seulement de 7 % pour le reste de la population. La mondialisation ressemble beaucoup plus à une guerre économique de prédation du monde qu’à un rapprochement des peuples.

Démondialisation

Récupération de la grogne des victimes de la mondialisation

Avec de tels résultats, certains s’étonnent de voir grossir un mouvement de rejet de la mondialisation. Cependant, il existe des groupes contraires aux intérêts des laissés-pour-compte de la mondialisation dans ce mouvement. C’est le cas des Républicains de Trump, des pro-Brexit au Royaume-Uni, et des courants d’extrême-droite en Europe ou ailleurs dans le monde. Ces groupes ne rejettent pas tant la mondialisation néolibérale que les structures de négociation et de coopération multilatérales comme l’OMC et l’Union européenne, qu’ils jugent trop contraignantes pour le maintien de leur puissance économique. En imposant leur poids économique en-dehors des structures multilatérales (qui ont bien sûr de sérieux défauts), ils souhaitent arracher des accords de libéralisation encore plus extrêmes, c’est-à-dire des concessions plus grandes en faveur de leurs multinationales.

En fait, ces groupes récupèrent le mouvement de grogne des victimes de la mondialisation. C’est pourquoi ils jouent la carte du chamboulement des accords de libre-échange, mais pour des raisons autres que celles des mouvements sociaux cités plus haut. Ils adoptent donc une approche encore plus guerrière de la mondialisation, celle de la loi du plus fort.

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