Annoncée en décembre dernier, la décision de mettre fin à la publication était appréhendée par les gens du milieu, mais elle n’en a pas moins été empreinte d’une certaine tristesse, vu la popularité de ce périodique centenaire.

Fondé en 1922 par un couple franco-américain qui lance sa maison d’édition dans l’État de New York, le Reader’s Digest gagne en popularité et se déploie au fil des décennies dans une quarantaine de pays et en presque autant de langues. L’édition québécoise apparait en 1947, puis le petit magazine au style distinctif gagne les foyers et les cœurs de la Belle Province. Pendant ce temps, le succès économique de l’entreprise-mère mène ses propriétaires à la philanthropie, avec la création de la fondation Wallace, vouée à l’éducation des jeunes et au soutien des arts.

Au Québec, beaucoup de nos grands-parents étaient très faiblement scolarisé mais savaient lire. Un magazine comme le Sélection était par conséquent une rare source de divertissement et d’ouverture sur le monde pour les personnes ayant des difficultés en littératie. De plus, la qualité des illustrations contribuait à l’attrait de cette publication. Axée sur le vivre-ensemble et la santé, et de facture soignée, elle a contribué d’une part à la littératie chez les adultes, et d’autre part à l’emploi de journalistes d’ici ainsi qu’à la production de contenus d’actualité adaptés au Québec, de traductions et d’articles de vulgarisation.

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Pour plusieurs enfants (dont j’ai été), le Reader’s Digest constituait une façon d’apprendre sur des sujets variés. Il devenait une ressource éducative pour beaucoup de personnes, surtout en milieu rural où les bibliothèques ne se trouvaient pas « au coin du rang ». Même si, avec le temps, le magazine était devenu pour beaucoup un plaisir coupable – inoffensif mais instructif –, sa disparition emportera malheureusement un pan d’histoire de nos régions.

L’œuf ou la poule : de quoi meurent les magazines ?

Pendant la pandémie, je m’étais abonnée au Sélection par attachement sentimental, comme une sorte d’hommage à mes grands-parents pour qui la lecture était un luxe dont ils ne se seraient privés pour rien au monde, malgré le peu de temps qu’ils avaient à y consacrer. Mes dernières lectures ont été décevantes : après un court paragraphe, on me renvoyait constamment au site web, alors que j’avais choisi un magazine format papier. Si j’avais voulu opter pour la version numérique, je l’aurais fait !

On dira que je vis dans le passé. Je répondrai que la roue n’est pas une invention récente, alors est-ce que je suis rétrograde si j’aime faire du vélo  ? Il en va de même avec certains modes de publication : le fait que le format ne soit plus au goût du jour ne dit rien de sa valeur, puisque lire sur papier demeure une habitude prisée et répandue. Mais la société-mère états-unienne n’avait plus d’intérêt financier dans la survie du fameux Digest. En réalité, le lectorat francophone nord-américain n’était plus assez lucratif, tout simplement. Ironiquement, si beaucoup prenaient le petit magazine de haut, avec un certain snobisme même (justement parce qu’il était accessible aux gens qui n’avaient pas eu accès à une éducation poussée), les gens du milieu journalistique savaient que son processus éditorial était d’une grande rigueur, ce qui devient rare dans nos communications : des sources vérifiées, des preuves matérielles, des journalistes-pigistes rémunéré-es décemment pour un travail exigeant une vraie expertise. [1]

L’épaisseur du magazine avait fondu avec les années, mais la rigueur y était toujours. [2] Maintenant que son dernier numéro québécois vient de paraître, ce qu’il nous reste à faire est de reconnaître l’utilité que le Reader’s Digest a eue pour bien des gens, mettre la main sur les exemplaires qu’on trouve chez les brocanteurs, y apprécier le portrait de l’époque qui y est dressé et nous demander ce qu’on veut léguer au lectorat du futur.

Sélection sur le Sélection 

Une enquête très peu scientifique (un vox pop mené sur ma page Facebook personnelle) révèle de fortes réactions à la disparition du magazine Sélection. En voici quelques-unes.

Sonia nous dit : « Il y en avait une grosse pile dans la salle de bain de mon enfance. J’en lisais souvent. […] J’apprenais plein de choses, surtout sur des questions que je n’aurais pas osé aborder avec mes parents. »

Audrée renchérit : « Ces parutions me manqueront dans les salles d’attente de cliniques et d’hôpitaux. Bien avant les téléphones intelligents, le Sélection du Reader’s Digest est l’ancêtre de mon fil d’actualité. […] À coup de deux pages, je m’ouvrais sur le monde. »

Bruno mentionne pour sa part son affection pour les publicités vintage des années 1960 et 1970 qui ont contribué à la popularité de la publication.

Lucie, récemment abonnée à une publication périodique, fait le constat suivant : « Tiens, on dirait que j’attends la prochaine parution avec autant d’impatience que mon père attendait son Sélection  ! Autre temps, autre lecture. »

 

Sources 
[1] https://www.lapresse.ca/affaires/medias/2023-12-06/la-fin-de-reader-s-digest-au-canada.php
[2] https://www.ledevoir.com/culture/803303/magazine-reader-digest-cessera-activites-printemps

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