On entend souvent dire que l’on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres. Cela est vrai pour les gens qui se servent des chiffres comme un ivrogne se sert d’un lampadaire : pour s’appuyer, pas pour s’éclairer. Toute personne sérieuse sait au contraire qu’il faut savoir laisser parler les faits.
Les aîné(e)s de la Mauricie
Afin de bien souligner l’importance du rôle des proches aidants d’aînés de la région de la Mauricie, il nous faut d’abord circonscrire cette population. En 2011, la Mauricie avait une population de 54 035 personnes de 65 ans et plus (20,5 %). Selon les prévisions de changement démographique pour les 25 prochaines années, cette proportion devrait franchir la barre des 35 % en 2031. Comme les données du recensement de 2006 nous apprennent que le revenu moyen des aînés de la Mauricie était évalué en 2005 à 22 870 $/an avec une différence selon le sexe défavorisant les femmes de 9 000 $/an, il importe de noter que les femmes représentent 56,9 % des personnes de ce groupe d’âge.
Par ailleurs, plus de 32 % des personnes âgées de 65 ans et plus vivent seules et environ le quart (10 695) présentent au moins une incapacité limitant leurs activités. Ces dernières ont besoin d’aide pour effectuer les activités de la vie quotidienne (se laver, s’habiller ou manger) ou les activités courantes de la vie domestique (faire le ménage, préparer les repas ou faire les courses).
Personnes offrant des soins ou de l’aide aux personnes âgées
Il y aurait en Mauricie un total 46 970 aidants de 15 ans et plus qui offrent au moins 1 heure d’aide ou de soins à une personne âgée par semaine. Si on définit le proche aidant comme une personne offrant 10 heures et plus d’aide par semaine, on arrive à un total de 6050 proches aidants. Ces aidants peuvent être aussi bien le ou la conjoint(e), aussi âgé(e) de plus de 65 ans, que les enfants adultes des personnes aidées. Enfin, 59 % des proches aidants de 45 ans et plus sont des femmes et la majorité d’entre elles occupent un emploi.
Sachant que les proches aidants doivent souvent allier travail, responsabilités personnelles et familiales et responsabilités d’aidant, il n’est pas surprenant de constater qu’ils affichent un niveau de détresse psychologique de 25 % plus élevé que les personnes aidées, que 17 % d’entre eux sont aux prises avec des problèmes de sommeil et que 10 % sont plus susceptibles d’être atteints d’une maladie chronique. Le fait de venir en aide à un conjoint âgé peut par ailleurs augmenter de 60 % les risques de décès chez la personne aidante. Enfin, plusieurs aidants naturels doivent prendre une retraite anticipée, réduire leurs heures de travail et parfois même quitter leur travail pour soutenir un proche.
En assumant plus de 80 % du soutien à domicile, les aidants naturels constituent la charpente sur laquelle s’articule la politique québécoise de maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie. Ce faisant, ils permettent au système de santé d’économiser une somme colossale de 5 milliards de dollars par année.
Si on a pu croire pendant longtemps que les familles se désintéressaient de leurs parents âgés et qu’elles les abandonnaient, il faut savoir que 90 % de l’aide que reçoivent les parents âgés est donnée par leur famille. Lorsque ces derniers présentent des incapacités, les membres de la famille constituent souvent, et de loin, la principale source de soins.
Il reste toutefois beaucoup à faire pour faire en sorte que ce soutien soit un véritable choix, plutôt qu’une obligation. Il est du devoir de l’État de tout mettre en œuvre pour que les personnes proches aidantes cessent de s’appauvrir à cause de leur compassion et de leurs actes de solidarité.