Du 12 février au 2 avril, deux expositions gratuites sont présentées à la Galerie d’art du Parc : Perspectives imprimées de Gabriel Mondor, ainsi que Avant…Pendant…Et un peu après le déluge… d’Annie Pelletier. Deux expositions fort différentes, avec des propositions porteuses de sens.
L’estampe revisitée par Gabriel Mondor
Maintenant trifluvien, l’artiste Gabriel Mondor est originaire de Lavaltrie. Il détient deux baccalauréats en arts visuels et se démarque comme artiste émergent depuis sa diplomation en 2020.
Alexandre Poulin, coordonnateur artistique de la Galerie d’art du Parc (GAP), nous dit que Mondor « remet en question les techniques traditionnelles de l’estampe, ce qui est, pour un jeune artiste, plutôt agréable et assez audacieux. Il amène ça d’une façon très technique ».
La subjectivité à l’honneur
Première de quatre séries d’oeuvres, « Microcosme rural » introduit le public à la notion de subjectivité – très chère à l’artiste – par l’entremise de plusieurs portraits de famille réalisés en quadrichromie.
Dans la pièce suivante, « Territoire mnésique » est composé de trois sphères de bois gravées à l’image d’un paysage rural que Mondor ainsi que ses deux frères ont déplacées sur trois toiles correspondantes afin d’habilement évoquer la subjectivité inhérente au souvenir d’un même territoire d’enfance.
Plus loin, la salle réserve un pan de mur à la série « Mezzomeme », ces plaques grisâtres qui peuvent sembler banales et peu extravagantes. Or il s’agit probablement des pièces les plus ambitieuses de cette exposition.
Il s’agit de représentations de mèmes, ces images éphémères propres au web, créées grâce au processus des manières noires qui, elles, nécessitent une grande persévérance. « Il y a très peu d’artistes qui font de la manière noire parce que c’est énormément de travail », explique le coordonnateur artistique de la GAP.
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La mémoire noire de la douleur
Le clou du spectacle est la dernière série d’estampes, celle que Mondor nomme « ImPression II ». Des toiles blanches sont maculées de formes noires qui sont le résultat d’une collision rapide et violente du corps même de Mondor contre une planche de bois enduite de peinture. Les toiles gardent ainsi la mémoire noire de la douleur corporelle de Mondor et semblent inspirer tous types d’émotions chez le public, y compris une certaine compassion.
L’œuvre de l’artiste paraît marquée d’un labeur physique intense. « J’ai été éduqué dans un contexte rural, de ferme, et le travail a toujours été une partie intrinsèque de ma vie. On dirait qu’il y a une idée de dévotion qui justifie tout ça. Ma petite souffrance permet de choquer les gens, dans le sens de produire un choc, de les sortir de leur zone de confort », explique l’artiste, avec qui La Gazette de la Mauricie s’est entretenu.
L’art public d’Annie Pelletier
Annie Pelletier est une artiste trifluvienne en art public particulièrement connue pour ses œuvres d’intégration à l’architecture – communément appelées les 1%. Ses pièces de grande envergure sont conçues grâce à la soudure du métal. « Les artistes soudeures, elles sont très, très rares », souligne M. Poulin.
On peut entre autres penser aux deux structures de forme humaine situées sur la devanture de l’église St. James de Trois-Rivières ou à l’ours perché sur la balustrade du parc Saint-Maurice à Shawinigan, toutes deux réalisées par Pelletier.
L’ombre de l’œuvre
L’exposition Avant…Pendant…Et un peu après le déluge… est présentée en parallèle avec De Noé à la Méduse… Embarque dans le radeau ! (présentée au centre d’exposition Raymond Lasnier du 5 février au 16 avril) afin de dévoiler les coulisses de sa pratique artistique.
Le public qui visite la GAP a ainsi accès aux brouillons de Pelletier, à ses croquis, à une reconstitution de son atelier de soudure et à des versions miniatures d’animaux que l’on pourrait voir en grand format dans un lieu public.
Le temps d’un regard, on peut voir une structure installée au mur tracer une ombre sur la paroi blanche et on se surprend à admirer la silhouette comme une œuvre tout aussi, sinon plus porteuse de sens encore que l’objet d’origine.
Les paradoxes de la nature
On se rend rapidement compte des grandes préoccupations de Pelletier : la faune et la nature. Ce qui frappe l’imaginaire, c’est la fragilité de ses créations, la manière dont les squelettes des animaux (huard, albatros, ours…) sont reconstitués avec une certaine délicatesse. Mais c’est aussi, paradoxalement, la solidité de ses structures métalliques, qu’on sait faites pour résister à toutes les saisons du Nord.
Quoi de plus juste comme dichotomie pour illustrer le déséquilibre actuel entre la violence de la nature – à travers les catastrophes et déluges – et la fragilité des écosystèmes. En parcourant les dessins et inspirations de l’artiste, cette folie autoproclamée, ce chaos créatif, on ne peut qu’être englouti par une peur et un émerveillement face à la nature même.