Dans la liste de nos efforts individuels essentiels, il faut ajouter le militantisme actif pour demander un changement de cap aux élus, explique l’auteure. Sur la photo, les militants de la Coalition Terre Précieuse qui défendent les milieux humides. Photo : Dominic Bérubé.

« Chaque petit geste compte! », une expression, que dis-je, un mantra, qui résonne un peu partout dans notre société: écoles, médias, politiciens. Les gestes personnels – réduire ses déchets, recycler, se déplacer en transport collectif – sont incontournables dans la lutte aux changements climatiques, mais ils sont aussi nettement insuffisants.

Même l’écolo parfait – qui ne prend jamais l’avion, n’est jamais seul dans une voiture, mange 100 % végé et local – ne dépassera pas une baisse de l’ordre de 25 % de ses GES individuels…sans l’aide du gouvernement*. Le discours omniprésent de sur-responsabilisation des individus, qui vient masquer l’importance des actions collectives, semble finalement servir une minorité de gens puissants qui ont des intérêts personnels à maintenir le statu quo.

« L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage »

Cette citation de Chico Mendez, syndicaliste et écologiste brésilien assassiné en 1988, est toujours d’actualité aujourd’hui. C’est que notre système économique, basé sur l’exploitation de la majorité au profit d’une infime minorité, est aussi construit sur la promesse d’une croissance éternelle et sur la dépendance aux énergies fossiles. Les solutions tiennent beaucoup du systémique.

La balance des gestes nécessaires pour atteindre nos objectifs réside donc dans l’engagement collectif dont les États détiennent la clé: réglementation et financement de  l’industrie et de l’agriculture pour les décarboner, subvention aux particuliers pour les accompagner dans le changement, priorisation des investissements dans des services publics essentiels pour la justice climatique.

Des choix déchirants pour les villes

Les gouvernements, incluant les municipalités, doivent changer de paradigme dans leurs choix budgétaires. À Trois-Rivières, une bonne partie de la population n’a pas accès à un système minimalement efficace de transport collectif. « Les bus sont vides, pourquoi investir dans la STTR? ». Parce que les bus sont vides. Pendant que ce débat de « l’œuf ou la poule » continue de se faire depuis des décennies, un trajet de 10 minutes en voiture en prend toujours 60 en autobus… et le parc automobile est en croissance, dans une ville où 95 % des GES du bilan collectif sont directement attribuables au transport.

Comme un peu partout ailleurs, le choix d’investir massivement dans des infrastructures de tourisme et de divertissement semble toutefois plus facile. L’amphithéâtre et le Colisée, par exemple, font rayonner la ville et les citoyens en profitent, c’est indéniable. Mais à quel prix pour les générations futures? En avons-nous réellement les moyens? Le Colisée, chauffé au gaz naturel, fera exploser le prochain bilan corporatif de GES de la ville. Pour décarboner notre ville, il faudra carrément cesser d’investir dans ce genre de projets appréciés, mais non essentiels (tableau 1) et transférer les ressources aux bons endroits, en environnement et en mobilité durable, par exemple. Même si on a tous envie d’avoir plus de piscines et de terrains sportifs, de rayonner à l’échelle de la province, de créer plus de jobs – même en temps de pénurie de main d’œuvre – actuellement, on vit dans le déni, et largement au-dessus de nos moyens écologiques.

Tableau 1: Quelques projets majeurs « non essentiels » prévus à court terme à Trois-Rivières

Escalier monumental 400,000 $
Nouveau terrain de baseball 1,3 million $
Agrandissement du parc industriel 40/55 7,1 millions $
Nouvelle piscine intérieure 8 millions $
Nouveau centre multisport 8 millions $
Nouvelle aérogare « verte » (!) 15,5 millions $
Nouvelle piscine de l’expo 13 millions $

 

Une action individuelle essentielle: militer en faveur des actions collectives

Sans actions collectives, impossible d’atteindre nos objectifs, peu importe l’effort individuel qu’on fera… et vice-versa. Il est non seulement légitime, mais nécessaire de faire pression sur les politiciens pour qu’ils changent de paradigme. Dans la liste de nos efforts individuels essentiels, il faut maintenant ajouter le militantisme actif pour demander un changement de cap aux élus.

*Carbone 4, 2019. « Faire sa part? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique »

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