Carol-Ann Rouillard, mars 2019
L’égalité hommes-femmes est une valeur fondamentale au Québec. Voilà un discours que l’on entend souvent. Mais dans la pratique, il reste des croûtes à manger.
Ces croûtes prennent différentes formes : inégalités dans le partage des tâches ménagères, salaire des femmes moins élevé que celui des hommes, moins grande présence dans les lieux de pouvoir; mais plus nombreuses à recevoir des messages haineux et des menaces de viol sur les médias sociaux, à être victimes de violence conjugale, d’agressions sexuelles, et assassinées par des membres de leur famille. La liste serait incomplète même si j’y consacrais une chronique entière.
Mais le déni collectif sur la situation des femmes au Québec est tellement puissant que certains prétendent être en mesure d’imposer l’égalité à la Québécoise en s’attaquant au nouveau symbole de l’oppression des femmes pour les gens du monde occidental : le voile musulman.
Cette attitude me laisse assez perplexe. D’où tire-t-on la légitimité pour imposer aux femmes ce qu’elles ne doivent pas porter et comment peut-on croire que de les brimer de la sorte va leur permettre d’atteindre davantage d’égalité ?
Parce qu’ici, c’est tout le contraire de la libération des femmes qui est proposé. Non seulement parce qu’on ne peut prétendre accéder à une réelle égalité en imposant un autre non-choix aux femmes, mais aussi parce qu’on s’en prend aux femmes que l’on prétend vouloir défendre plutôt que de s’attaquer aux oppresseurs.
L’État et les ministres le font par le biais de lois et de déclarations publiques qui contribuent à renforcer le stéréotype de la femme soumise, incapable de faire un choix. Une frange de la population le fait en traitant des femmes qui portent le voile de terroristes, en leur crachant dessus ou en le leur retirant de force. Et ces gestes intolérables se produisent malheureusement plus souvent qu’on ne le croit dans des lieux publics, dans les rues du Québec.
C’est un peu comme si, plutôt que de dire aux hommes de ne pas contraindre les femmes à porter le voile, on consacrait nos efforts à dire aux femmes de ne pas le porter, et ce, peu importe la violence requise pour faire passer le message.
Pourtant, quand on demande aux principales intéressées les raisons derrière leur décision de porter le voile et de poursuivre cette pratique au quotidien, on se rend compte qu’il y autant de raisons que de femmes qui le portent. Et on oublie aussi tous les cas de femmes qui ont choisi de ne pas le porter et qui se sont senties libres de faire ce choix sans quelque pression que ce soit.
Comme pour toute chose, il est possible de poser un regard critique sur l’institution derrière le symbole, de ne pas comprendre le choix des femmes ou de se dire que nous aurions agi différemment devant une telle situation. Mais jamais ces réflexions ne devraient servir de prétexte au jugement, à la critique et à l’acharnement auquel on assiste au Québec en ce moment. Jamais, non plus, elles ne devraient être cachées sous un faux couvert d’égalité entre les femmes et les hommes.