Dans notre monde actuel, les enjeux sont de plus en plus abordés selon une perspective économique. Ainsi, bien qu’il s’agisse de la même personne, on parle plus volontiers du consommateur que du citoyen. Pour mesurer son bien-être et ses états d’âme, les outils sont nombreux. L’indice appelé « pouvoir d’achat » est un de ceux-là. Mais de quel pouvoir dispose réellement le consommateur (ou le citoyen) ?
L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) dit du pouvoir d’achat qu’il sert à déterminer « le revenu réel disponible par habitant ». Et l’ISQ définit le revenu disponible comme « la part du revenu qui reste à la disposition des particuliers pour la consommation de biens et de services, ainsi que pour l’épargne volontaire », une fois les impôts et cotisations publiques acquittés. L’indice du pouvoir d’achat est l’objet d’analyses et de discussions d’une faune d’observateurs qui en décortiquent chaque fluctuation. À l’échelle internationale, on parlera de « parité pouvoir d’achat », un concept que l’on juge complexe mais efficace pour comparer des économies.
Un important anthropologue du 20e siècle, Marcel Mauss, dans une conférence portant sur les origines de la monnaie, avançait que celle-ci « n’est nullement un fait matériel et physique, c’est essentiellement un fait social ». Toujours en parlant de la monnaie, sous ses formes les plus primitives, Mauss disait que sa « possession conférait à leur détenteur un pouvoir qui [était devenu] aisément un pouvoir d’achat. » En conclusion de ses hypothèses, Mauss s’interrogeait à savoir si la foi que nous nourrissons envers les symboles de richesse que sont l’or et les monnaies n’est pas « en grande partie la confiance que nous avons dans son pouvoir ».
Dans la pensée de Mauss, parler de pouvoir d’achat n’est pas anodin. La notion dépasse l’idée de « revenu disponible » à laquelle réfère l’ISQ. Des exemples de cette idée de pouvoir existent dans la société civile. Le slogan « acheter, c’est voter », mis de l’avant par l’écosociologue Laure Waridel, est une illustration de la portée politique de ce pouvoir, c’est-à-dire de nos gestes et de nos choix de consommation. La pratique du boycott, dont le succès repose sur la mobilisation (une autre forme de pouvoir citoyen), place le refus de consommer une marque ou un produit au centre de son action. Sur un autre front, certains voient dans les différentes initiatives de création et d’utilisation de monnaies locales la manifestation citoyenne d’un désir de réappropriation d’un certain pouvoir.
Ainsi considéré suivant sa capacité de dépenser, le citoyen, à l’instar de l’investisseur ou de l’entreprise, est en effet investi d’un pouvoir réel. En réponse à une économie devenue volatile et spéculative, différents mouvements de consommation responsable ou engagée émergent. Ceux-ci prônent que par nos choix en matière d’épargne ou de consommation, de manière individuelle ou collective, c’est invariablement dans le monde de demain que nous investissons. Notre pouvoir, vu sous cet angle, est infini.
Sources :
http://www.stat.gouv.qc.ca/salle-presse/communique/communique-presse-2016/janvier/jan1618.html
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/CAN/fr/NY.GDP.PCAP.PP.CD.html
http://www.jstor.org/stable/25741889?seq=1#page_scan_tab_contents
http://www.jornaldomauss.org/periodico/wp-content/uploads/2009/02/origine_notion_monnaie.pdf
http://www.ensemble80.fr/wp-content/uploads/FRIOT-Lenjeu-du-salaire.pdf
http://iris-recherche.qc.ca/blogue/les-monnaies-locales-outils-de-transformation-de-la-societe
Drillech, M. (2011). Le Boycott: histoire, actualité, perspectives. Fyp éd..