Pierre Blanchet, coordonnateur du GDDS de Trois-Rivières – décembre 2019
Je m’appelle Pierre Blanchet, je suis coordonnateur du Groupement pour la défense des droits sociaux de Trois-Rivières, un organisme communautaire qui informe les personnes recevant de l’aide sociale et les aide à défendre leurs droits. Je me considère chanceux personnellement de ne pas avoir vécu une grande pauvreté. Comme beaucoup de gens, quand j’étais étudiant et travailleur à faible revenu, j’ai connu ce que c’est de gérer un petit budget et de compter mes sous pour arriver. J’ai toutefois pu échapper à la spirale de la pauvreté. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde.
« Cette année, je choisi entre donner un iPhone à mon enfant ou bien… un souper au restaurant en famille ? Entre ce téléphone intelligent pour que mon enfant, que j’aime plus que tout, puisse faire partie de la gang à l’école, sans se faire étiqueter d’enfant de famille pauvre ni risquer qu’il se fasse exclure de son groupe d’amis, ou bien que moi, le parent, je puisse ne pas me priver de manger décemment ? Entre donner ce cadeau, que je paierai toute l’année avec des intérêts, ou bien m’assumer et vivre avec cette dure réalité qui laissera des traces dans le cœur de mon enfant… et dans le mien. » Voilà des réflexions qui font partie du quotidien de personnes en situation de pauvreté. Avec ces questionnements, on peut réellement se demander si nous sommes égaux face aux besoins essentiels ?
Pour certaines personnes, Noël est aussi synonyme de tristesse. Tristesse, parce qu’elles s’isolent de leur famille, de leurs frères et sœurs et de leurs parents. Elles le font parfois volontairement parce qu’elles ne se sentent pas le cœur d’affronter leur réalité ou à tout le moins de rencontrer les gens qui reflètent leur différence de situation financière.
Dominique, dans la quarantaine, qui vit seul à Trois-Rivières, est inscrit à l’aide sociale depuis quelques années et il a vécu quelque chose de semblable. « Jusqu’à l’an dernier, dans notre famille, à Noël, on faisait un échange de cadeaux. Je me sentais mal avec ça. Pour cette année, on a décidé de fonctionner autrement. Ça n’a pas été facile de changer cette habitude, mais c’était important pour ma dignité. » En fin de compte, explique-t-il, cela a resserré leurs liens familiaux.
« Quand j’avais un emploi, j’avais une impression d’abondance ; je vivais le temps des Fêtes selon mes désirs. Maintenant, c’est selon mes moyens. » Dominique a maintenant développé des façons de vivre pour réduire certains coûts, comme fréquenter les organismes d’aide alimentaire. Pour lui, comme pour plusieurs, l’essentiel est invisible pour les yeux. C’est devenu un peu une philosophie de vie, qu’il se doit d’appliquer, malgré les difficultés et les sacrifices que cela exige.
Est-ce que la société peut en faire davantage pour réduire les inégalités ? Les choses pourraient être différentes. Comment ? D’abord, si des programmes comme l’assurance-emploi permettait de se qualifier avec moins d’heures de travail, si les prestations d’aide sociale étaient plus décentes et permettaient à chacun de couvrir ses besoins essentiels, on se donnerait beaucoup plus de chances d’avoir une bonne santé, à la fois en tant qu’individus et que société. On réglerait ainsi une immense partie du problème.
Il nous restera par la suite à faire une place dans notre cœur pour accueillir les différences, à accepter que tout le monde, y compris nos proches, nos voisins et nos collègues de travail, nous ayons des points de vue, des personnalités et des vécus qui ne soient pas nécessairement identiques.