Un dimanche soir d’automne, ça n’évoque pas a priori une soirée rock sulfureuse qui laisse le public sur un nuage rougeâtre. Et pourtant. Le dimanche 16 octobre, à l’aube des vraies températures froides, le groupe de rock psychédélique Perséide, précédé en première partie du groupe rock reverb et shoegaze français You Said Strange, a sérieusement réchauffé les esprits au Café Frida. Il fallait y être.
You Said Strange : une bulle résolument cool
Le public a tardé à arriver. Le concert, prévu à 20h, accuse un retard typique d’une demi-heure ; une fois que les musiciens de You Said Strange saisissent leur instrument, une foule d’une cinquantaine de personnes s’est finalement amassée devant des éclairages tamisés aux couleurs d’automne.
You Said Strange est un groupe de Normandie composé des frères Eliot (chant et guitare) et Martin Carrière (basse et chant) ainsi que d’Hector Riggi (guitare) et Matthieu Vaugelade (batterie).
Après un bref souci technique à la fin du premier morceau, les musiciens replongent dans leur performance, les yeux rivés sur leur instrument, complètement absorbés dans les mélodies, ne regardant jamais le public. On les pardonne : ils étaient occupés à faire de l’excellente musique.
« Thousand Shadows », le morceau de l’album éponyme de 2021, laisse Martin Carrière prendre les devants avec une voix plus claire que son frère, et le refrain perce avec lumière les sonorités lourdes des guitares quand on entend « I wish I could say that ». Juste après, « Cold Crusader » captive, avec un autre refrain hypnotisant (« Show you why, show me how, please show me ») qui unit les voix des deux frères.
Tout droit sortis des années 90
Le groupe, qui chante en anglais, évoque évidemment le rock britannique des années 90 – tous habillés de noir de la tête aux pieds, ils sortent tout droit d’une autre époque et possèdent une aura irrémédiablement cool. Après avoir remercié le Café Frida pour avoir si bien mangé avant une tournée nord-américaine assurément marquée de mauvaise nourriture, You Said Strange entame une dernière pièce.
L’air est épais et chargé d’énergie, le public se balance en unisson comme la marée et Hector Riggi utilise un briquet pour faire des effets sur sa guitare ; le groupe est plus que jamais dans sa bulle. On se rend compte que cette bulle qu’ils ont créée enveloppait déjà le public dès les premières notes.
Perséide : un paysage musical multicolore
Après un bref entracte, le groupe trifluvien rock psychédélique Perséide, bien connu des personnes présentes, prend place. Il faut dire que le chanteur et guitariste de la formation, Louis-Philippe Cantin, doit se sentir comme à la maison – il a travaillé plusieurs années au Café Frida. La formation compte également Olivier Durand à la guitare, Samuel Milette à la basse, Adrien Lauture à la batterie et Daniel Quirion aux claviers.
Dès le début de la première chanson, l’énergie est au rendez-vous. Quirion ne tient pas en place derrière ses claviers, Cantin est habité par les paroles qu’il a composées, Lauture a visiblement beaucoup de plaisir derrière sa batterie, Milette et Durand sont absorbés dans le moment. Nul besoin de briser la glace – elle avait déjà fondu.
Perséide traverse les deux premières chansons avec aisance, et quand « Istanbul » arrive, on sent que le public l’attendait avec impatience. Leur morceau le plus connu, aux sonorités sud-asiatiques des années 60, comportant sur la version studio du sitar joué par Cantin, a de quoi rappeler l’influence indienne sur les Beatles.
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Et la foule au Café Frida bouge maintenant comme des grains de pop-corn ; enthousiaste et animée par les airs transcendants de la musique. Les paroles, qui tendent toujours immanquablement vers l’évasion, font voyager : « Et nos airs / D’illuminés / Dis-moi, chère / Où sont-ils allés ? »
Des primeurs d’un album à venir
Cantin prend une gorgée d’eau, puis dit : « C’est le bout où je parle. » Celui qui enseigne la littérature au Collège Laflèche n’est visiblement pas un amateur de présentations orales. On lui mentionne la finale de la série Rings of Power, puisqu’il est un fan invétéré des oeuvres littéraires de Tolkien (son chandail du Seigneur des anneaux le prouve), puis on revient à nos moutons : leur nouvel album, pas encore disponible, mais enregistré il y a un an dans les studios Pantoum, à Québec, où le groupe est maintenant signé.
Une chanson tirée de cet album à venir, résolument plus pop et moins vaporeuse, apparait comme si le brouillard s’était levé. L’accroche à la guitare est ingénieuse et réjouit. Par la suite, « Kaléidoscope », une autre nouveauté du groupe, met en valeur la voix de Cantin, plus agile et mobile que sur leurs précédents morceaux.
Après un faux rappel (« Fermez les yeux, imaginez qu’on était partis dans le stationnement pis qu’on revient », blague Cantin), le groupe entame « Parmi les arbres », un morceau de plus de dix minutes. Le tempo monte en crescendo, les instruments s’entremêlent de toutes les couleurs. Quand l’accroche de guitare électrique surgit vers la neuvième minute, on ne peut que se dire une chose : Perséide maîtrise l’art de la catharsis.