Depuis le 30 janvier, l’artiste trifluvien Philippe Boissonnet présente son exposition Holoscapes et autres paysages au Centre national d’exposition de Jonquière. Voici une belle occasion de revisiter son travail dans lequel le globe-terrestre et la géopolitique sont des thèmes marquants. L’événement dévoile surtout la pratique singulière du professeur du Département de philosophie et des arts de l’Université du Québec à Trois-Rivières et spécialiste à l’international de l’holographie.
Philippe Boissonnet nous explique son intérêt pour l’holographie : « Paradoxalement, je cherche à représenter par ma pratique l’instabilité du monde. Toutefois, pour créer une représentation holographique, il faut une très grande stabilité. Aucune vibration externe durant le moment de l’enregistrement n’est permise ». En effet, ce procédé, qui permet de reconstituer une image tridimensionnelle d’un objet grâce à ses ondes, se réalise à partir de rayons laser et ne peut recevoir de mouvement provenant de l’air ambiant. Il en résulte une reproduction transparente qui correspond aux premières recherches de l’artiste lors ses débuts à Paris : « j’étais intéressé par l’évanescence de l’image et par son instabilité, par la notion de présence et d’absence ainsi que par l’incertitude de la représentation ». Toute cette période a été fondamentale pour Philippe Boissonnet.
Au fil du parcours de l’artiste, cette méthode de photographie a servi à traduire la fragilité de la représentation du monde qui se transforme sans cesse : « J’ai interrogé l’individu dans le monde, l’image du monde et ce que je ressentais de ce monde en changement ». Et certaines périodes ont été plus marquantes que d’autres pour le créateur et professeur : « Une mutation du monde commençait à se faire sentir en 1992, dans la foulée des changements géopolitiques qui ont eu lieu après 1989. Et aujourd’hui, en 2022, nous ressentons à nouveau cette fragilité », explique Philippe Boissonnet.
En parallèle à l’holographie, les images de globes terrestres interpellent particulièrement Philippe Boissonnet : « la géopolitique a été rapidement intégrée dans mon vocabulaire entre autres par la création d’un globe terrestre gonflable qui renvoie à une image dérisoire du monde supposé nous supporter. Je voulais créer un pendant à cette dite solidité. » En témoignent ses œuvres Polarisation (2021), En reconstruction (1993-2008) et Monde en déflation (2019) présentées dans l’exposition Holoscapes et autres paysages.
L’événement est l’occasion de présenter une pièce importante de l’artiste qui amalgame la figure du globe terrestre et l’hologramme. L’œuvre La conscience des limites (Dédale) est située au milieu de la salle d’exposition. L’hologramme est suspendu au centre d’une structure cubique présentant une double image d’un globe terrestre gonflable de manière à perturber volontairement la perception du spectateur, comme le décrit Philippe Boissonnet : « En intégrant deux images l’une dans l’autre, nous assistons à une intrication visuelle du dedans et du dehors, du proche et du lointain ».
L’exposition est également l’occasion de découvrir de nouvelles voies créatives empruntées par l’artiste. Présenté sur un socle, Artist Holo Memories (2018) montre les connexions neuronales d’un cerveau. Cette nouvelle recherche s’est développée à la suite de l’obtention du prix international de la Hologram Foundation Awards du Holocenter (Center for the Holographic Arts).
Bien que l’exposition couvre plusieurs angles de son travail, l’événement n’est qu’un chapitre pour Philippe Boissonnet : « j’ai une pratique complexe comportant de multiples facettes ». Cet été, ce sera l’occasion de découvrir un autre pan de sa démarche. Il sera amené, grâce à la collaboration de Culture 3R et de la Fondation Trois-Rivières durable, à réaliser une œuvre dans les parcs de Trois-Rivières avec les artistes Lorraine Beaulieu et Christine Ouellette. Un second projet, en Espagne cette fois, est dans la mire. Des occasions multiples de continuer à réfléchir autrement la fragilité du monde.