Mariannick Mercure, décembre 2014
La Mauricie compte plus d’une cinquantaine de centres de la petite enfance (CPE). Véritable fleuron de la politique familiale québécoise, la mise en place des CPE a favorisé l’accès au travail à des dizaines de milliers de femmes, en plus de contribuer au développement des enfants et d’avoir un impact tangible sur la qualité de vie des familles québécoises.
Après avoir décidé de reporter à 2021 la création de nouvelles places en CPE, le gouvernement Couillard annonçait récemment son intention d’instaurer des tarifs modulés dans les CPE. Alors que certains y voient une mesure « juste et équitable », d’autres croient que cette initiative dite de « l’utilisateur-payeur » équivaut, en réalité, à soumettre les parents à une double taxation. La Gazette de la Mauricie donne la parole à des tenants des deux points de vue.
Marc H. Plante, député libéral dans Maskinongé
« Au fil du temps, la société québécoise s’est dotée de politiques familiales des plus avantageuses au pays. Ces mesures sont une fierté pour le Québec, mais encore faut-il en assurer la pérennité, puisque ces mêmes enfants qui fréquentent actuellement les services de garde deviendront parents à leur tour, et les décisions que nous prenons aujourd’hui ont des impacts directs sur les services et avantages dont bénéficieront les prochaines générations.
Lors de la mise en place du programme des services de garde éducatifs à l’enfance subventionnés en 1997, celui-ci avait été conçu de façon à ce que 20 % des coûts du programme soit assumé par les parents. Or, les services de garde ont évolué avec le temps, entraînant ainsi une hausse des coûts du programme et faisant en sorte que les parents ne contribuent plus qu’à 13.6 %, augmentant ainsi le fardeau de l’ensemble des contribuables pour combler cet écart. Les mesures récemment annoncées par notre gouvernement tiennent compte de cette réalité, et c’est en ce sens que les parents qui bénéficient des services de garde seront appelés à contribuer davantage, en prenant soin toutefois de tenir compte de la capacité de payer des familles. La proposition du gouvernement vise notamment à réviser la contribution payée par les parents, laquelle serait modulée en fonction du revenu des parents. Contrairement à une hausse tarifaire qui serait applicable à tous, cette modulation en fonction du revenu protège les familles moins bien nanties. Les familles ayant un revenu inférieur à 50 000 $ annuellement seront exemptées de cette contribution additionnelle. En fait, près de 60 % des familles paieront moins de 9 $ par jour. Ce faisant, nous assurons l’équité entre les familles et nous permettons de mieux répartir la part payée par les parents utilisateurs et celle assumée par l’ensemble des contribuables.
À travers l’ensemble des mesures proposées, nos grands objectifs sociaux seront préservés : nous miserons sur l’accès à un programme éducatif de qualité pour tous les enfants du Québec. La famille a toujours été et demeure au cœur des priorités de notre gouvernement. »
Louis Carle, DG , regroupement des CPE Mauricie-Centre-du-Québec
« Quand le gouvernement parle de moduler les tarifs pour assurer la pérennité des CPE, il trompe la population : l’argent qui va être amassé avec cette mesure-là ne s’en va pas pour améliorer la qualité des services, il s’en va uniquement pour la lutte au déficit!
D’ailleurs, il y a déjà un système de modulation en place avec l’impôt progressif, pourquoi arriver avec une deuxième taxe, uniquement pour les familles? Il faut plutôt conserver l’universalité du service qui faisait consensus, et l’indexer au coût de la vie : 8 $ par jour, c’est là où on serait rendu normalement. Est-ce qu’on se dirige vers une modulation dans les universités et les hôpitaux aussi?
Loin d’assurer l’équité entre les familles, la modulation va d’abord toucher les familles de la classe moyenne en augmentant les frais pour familles dont les deux parents font chacun 25 000 $ par année et plus! Mais les gens à plus haut revenu risquent simplement de sortir du réseau des CPE, puisqu’il deviendra moins coûteux pour eux d’aller en garderie privée, avec plein retour d’impôt, que de payer des frais de 20 $ par jour avec la modulation dans les CPE.
La modulation va donc pousser les gens vers le privé, où il y a 2 fois plus de plaintes quand 65 % du réseau est en CPE. Mais ce n’est pas la seule mesure du gouvernement qui va en ce sens. En effet, on vient aussi de reporter la création de nouvelles places prévues, dont 450 places pour la Mauricie, alors qu’on ne répond même pas encore à la demande. Pire, le gouvernement les a reportées dans les lieux où il y a le plus grand déficit de place, dans Maskinongé et au Cap-de-la-Madeleine. Ça va nécessairement transférer les places vers les garderies privées à but lucratif et où ce ne sont pas les parents qui sont administrateurs. »