Par Olivier Gamelin, décembre 2016
Comité de Solidarité/Trois-Rivières
Ils ont essuyé le même ouragan. Des vents de 250 km/h et des pluies torrentielles comme jamais depuis 10 ans. Le 4 octobre dernier, Matthew a balayé les Antilles. En Haïti, un tableau apocalyptique : infrastructures en ruines, près de 1000 morts, un million de personnes en situation d’urgence humanitaire, épidémie de choléra… Moins de 400 kilomètres plus à l’ouest, à Cuba, le même ouragan, les mêmes vents, la même pluie. Bilan cubain : aucune perte de vie. Des villages rasés, certes, mais pas une seule victime déclarée. Qu’est-ce qui explique cette disparité ? Pourquoi tant de morts en Haïti et aucun à Cuba ? Petit portrait d’un État organisé versus un voisin désagrégé et sans cohésion.
Chaque année depuis 1963, l’État cubain organise un exercice national de deux jours pour faire face aux catastrophes naturelles. Baptisé Meteoro, l’activité communautaire est planifiée au seuil de la saison des ouragans. Armée, citoyens, fonctionnaires, écoliers, policiers et pompiers sont mobilisés au profit de l’intérêt commun. Quelques heures avant que Matthew n’appuie son doigt destructeur sur les Antilles, Cuba était paré à se tenir droit devant la menace. Réserve d’eau et de nourriture, zones à risque évacuées, protection des réseaux de communications, dénombrement des citoyens plus vulnérables ; avant Matthew, tout était huilé au quart de tour.
Le système de prévention et d’alerte locale cubain, peaufiné depuis un demi-siècle, témoigne d’un État structuré, capable de prévenir avec efficience les effets négatifs inhérents aux crises diverses et aux changements climatiques. Érigé en véritable culture nationale, ce modus operandi est étudié partout à travers le monde. Les clefs du succès : le niveau d’éducation de la population, sa connaissance des actions à poser, les pratiques d’évacuation et, surtout, une structure étatique fonctionnelle et solidaire qui souhaite préserver les vies humaines et les biens matériels.
Un mois plus tard, Haïti ne s’est toujours pas remis du passage de Matthew. Cuba, lui, s’est relevé moins d’une semaine après l’ouragan. À peine la dernière pluie tombée que les machineries lourdes étaient à l’œuvre. Scouts, militaires et citoyens « libérés » de leur travail, mais toujours rémunérés, s’activaient au nettoyage. Le gouvernement cubain a même mis en place des mesures fiscales incitatives pour faciliter la reconstruction.
En Haïti, tout reste encore à faire, malgré les milliards $ décaissés. Pendant que les politiciens paradent sur des camions d’aide alimentaire, les gens n’ont plus rien, ni même pour survivre. Appel à la communauté internationale, récupération politique et idéologique, marché noir des cartes de distribution alimentaire, une vraie affaire d’or post-tragédie… Le gouvernement haïtien a compris qu’en attirant la pitié, il attirait du même souffle une aide humanitaire qu’il pouvait détourner à son avantage. Pourtant, ils sont nombreux les Haïtiens à réclamer non pas du riz, mais du travail. Si l’État les engageait pour déblayer et reconstruire, à l’instar de Cuba et du principe de pay-for-work, il n’y aurait pas de distribution alimentaire à organiser. Une façon plus efficace, en somme, de gérer l’après-crise, car l’argent est injecté directement dans l’économie locale.
Certes, Cuba et Haïti sont nés de l’esclavage et ont été à maintes reprises pillés et occupés par des puissances étrangères (Espagne, France, États-Unis, Angleterre). Certes, les deux pays ont vécu sous le joug des dictatures. Si Cuba a réussi, en 1959, à se libérer de ses propres élites et à briser le carcan occidental, force est d’admettre qu’il reste encore du pain à trancher sur la planche de la liberté haïtienne. À défaut de briser la spirale de la pauvreté et de l’exploitation, d’autres catastrophes naturelles continueront à souffler le désastre en Haïti…d’une manière disproportionnée et inacceptable par rapport aux pays voisins.
Pour agir et en savoir plus :
Comité de solidarité/Trois-Rivières
819 373-2598 – www.cs3r.org