Dans le monde des relations internationales, le Canada est considéré comme une puissance de second rang. Certes, il fait partie des pays de l’OCDE, du G20, du G7. Jamais n’oserait-on cependant comparer sa puissance et son influence à celles de son voisin du Sud. Au mieux, le Canada est perçu comme un allié. Comme un partenaire. Au pire, il est tout simplement ignoré, vu son importance moindre sur les plans économique et militaire.
Historiquement, le Canada a souvent trouvé une manière de tirer son épingle du jeu. Toutefois, au cours des dernières années, de nombreux exemples démontrent à quel point le pays s’avère de plus en plus impuissant à affirmer sa souveraineté. Il paraît calquer sa politique étrangère sur celle de son voisin, peu importe le président en poste, peu importe l’enjeu discuté.
Elle semble déjà loin l’époque où Jean Chrétien tenait tête à George W. Bush en refusant d’envoyer des troupes en Irak. Elle semble encore plus loin l’époque où Pierre Elliot Trudeau maintenait des liens cordiaux avec le Cuba de Fidel Castro, en pleine période de Guerre froide. Aujourd’hui, le Canada n’est plus le modèle diplomatique qu’on citait naguère, en rappelant l’origine des Casques bleus avec Lester B. Pearson ou les politiques anti-apartheid de Mulroney. En matière de politique étrangère, le Canada du XXIe siècle constitue plutôt une pâle copie de l’Amérique étasunienne.
Actuellement, Canada et États-Unis font front commun presque inconditionnellement dans plusieurs dossiers. À titre d’exemples, pensons aux pressions pour accroître les dépenses militaires (achat de F-35 à Lockheed Martin) ou aux positions à adopter face à la Chine (l’affaire Huawei). Les relations avec les autres États sont constamment teintées – et affectées – par les orientations des États-Unis. Avec l’Arabie Saoudite, on signe des contrats pour la vente de blindés plutôt que de dénoncer les violations des droits humains. Dans le conflit israélo-palestinien, le Canada adopte une position partiale, et ce, depuis la gouvernance de Stephen Harper (2006-2015). D’ailleurs, une attaque contre Israël est maintenant perçue comme une attaque contre le Canada, ce qui rend ardues certaines dénonciations que souhaiteraient des mouvements de défense des droits humains (conditions de vie des Gazaouis ou poursuite des colonisations à Jérusalem-Est). Face à l’Iran, le Canada n’adopte plus un ton de fermeté, mais plutôt un ton de fermeture : son ambassade à Téhéran est fermée depuis 2012.
Dans le contexte géopolitique qui se dessine actuellement, le Canada ne peut plus accepter de jouer le rôle de valet. Il doit affirmer haut et fort sa souveraineté. À court terme, il en va de sa crédibilité. À plus long terme, il en va de sa capacité à exercer une réelle influence. Déjà, son échec à se faire élire au Conseil de sécurité de l’ONU (2010, 2020) démontre clairement une perte de confiance de la part des autres États. Or, si des puissances de second rang comme le Canada refusent désormais d’assumer un rôle diplomatique fort, ce sont les superpuissances actuelles et futures qui l’accapareront. Déjà, le positionnement surprenant de la Chine dans plusieurs dossiers laisse entrevoir une puissance discrète d’une grande efficacité : négociation du rapprochement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, coopération avec Israël, l’Afrique du Sud, le Brésil et plusieurs autres, arbitrage potentiel du conflit russo-ukrainien.
Dans les prochains mois, les relations sino-canadiennes seront justement un excellent prétexte pour affirmer une position canadienne forte. Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères canadiennes, s’est dit vouloir « être pragmatique » face à la Chine. Ne pas rompre les liens économiques, ni les liens diplomatiques, mais imposer des limites claires quant au respect des droits humains et aux problématiques d’ingérence.