Crédit photo : courtoisie Frederick Durand
Agente aux communications du Salon du livre de Trois-Rivières et du Festival international de la poésie, chroniqueuse à l’émission radiophonique Cochaux Show et à la revue Lettres Québécoises, Raphaëlle B. Adam est d’abord et avant tout autrice de l’imaginaire. Elle nous propose cet automne une incursion fantastique dans son jardin botanique bien à elle, Venefica.
Portrait d’une vivace
Originaire de Shawinigan, Raphaëlle B. Adam est détentrice d’un baccalauréat en lettres et communication sociale à l’Université du Québec à Trois-Rivières ainsi que d’une maîtrise en création littéraire à l’Université de Sherbrooke. Après son séjour en Estrie, elle revient en Mauricie (Notre-Dame-du-Mont-Carmel) durant le début de la pandémie pour se rapprocher de sa famille, et s’installe définitivement dans la ville de son enfance à l’été 2023. « J’ai toujours eu un petit faible pour mon patelin », dit-elle, sourire aux lèvres. À travers le foisonnement de nouvelles qui paraissent en revues spécialisées en noir, horreur et fantastique (Alibis, Solaris, Nyx, Clair/Obscur, Brin d’éternité) ainsi qu’en collectifs (Les murmurantes, À l’Est de l’Apocalypse, Cruelles et Face à face), l’autrice signe récemment Servitude (Triptyque, 2020), recueil de nouvelles créé dans le cadre de sa maîtrise.
Venefica est toutefois le premier roman de la Shawiniganaise. Elle confie : « En réalité, depuis que je suis toute petite, j’écris des romans. J’ai commencé en écrivant des romans ». C’est le prix Clément-Marchand, coorganisé par la Société des écrivain-es de la Mauricie et la revue Le Sabord, qui a guidé l’autrice vers le genre plus bref : « J’ai participé au prix en 2010 pour la première fois, et j’avais soumis un extrait de roman. Il n’avait pas été retenu et je m’étais dit : je participerai l’année prochaine, mais avec un texte qui se tient seul, une nouvelle ». Cette première forme courte, publiée par la suite dans Alibis, lui vaut en 2011 le prix régional. « Je suis devenue une nouvelliste un peu par accident, rit-elle. C’est ce pour quoi j’ai été reconnue, mais j’ai toujours continué de faire des romans. »
Jardin de femmes
L’origine de Venefica prend sa source dans la nouvelle écrite pour le collectif Cruelles (Tête première, 2020). Raphaëlle B. Adam avait été invitée à créer un texte sur la cruauté des femmes – cruauté de nature, et non de vengeance. Pour ce projet, « j’avais développé une relation de femmes qui chassent [des humains], mais en équipe, explique-t-elle. Et j’avais envie d’explorer plus cette dynamique-là, d’entraide entre femmes. » Elle ajoute: « Mais là je me suis dit: des gens qui mangent des gens, on fait pas une histoire avec ça! » Venefica propose le récit d’une jeune femme qui refuse sa nature de toxine, soit de dévorante. Connectée aux ancêtres par la sève, Catopsis est, comme toutes les autres membres de la Floralia, liée, unie et asservie aux appétits des aînées. « C’est un peu la mentalité de ruche, explique Raphaëlle B. Adam, où il y a une hiérarchie entre les anciennes, les gardiennes et les pourvoyeuses ».
Dans cet univers où ces carnivores se jumellent aux fleurs (femmes enchanteresses qui séduisent les proies) pour combler leur faim et celle des Aethuses (reines mères), la protagoniste choisit de rompre l’écosystème et de lutter contre ce besoin de dévoration. Or elle ne peut opérer cette séparation seule ; elle s’allie ainsi avec son ancienne fleur solidaire, mais surtout avec une communauté sororale, pour se retirer de cet écosystème floral qui la dévore. Cette question du choix est d’ailleurs centrale dans le roman. La trame narrative est constamment provoquée et relancée par les décisions conscientes et réfléchies des protagonistes – aspect peu commun dans le genre fantastique, où le destin force le plus souvent les actions. L’autrice de l’imaginaire explique : « L’histoire est aussi celle d’une quête de soi, d’un désir de ne pas rester dans le moule, de ne pas se conformer. Le but n’est pas de défaire le système mis en place, mais simplement de s’en extraire. »
Avis aux personnes que les genres plus noirs pourraient rebuter : sachez que si certaines plantes croissent dans les espaces ombragés, Raphaëlle B. Adam appartient certainement à celles qui se tournent vers la lumière.