Pierre Lavergne, septembre 2014
« Ce sera 35 mois de prison pour vous Sœur Rice. » Une condamnation qui n’altère en rien la franchise du regard et le sourire généreux de Sœur Megan Rice, 84 ans. Quel contraste frappant entre la sérénité affichée par Sœur Rice et le juge embarrassé d’envoyer sous les verrous une religieuse au passé exemplaire.
Pour s’être introduits, sans autorisation dans le centre de fabrication d’armes nucléaires d’Oak Ridge, au Tennessee, Sœur Rice et deux compagnons ont été reconnus coupables d’ « atteinte à la sécurité nationale » par « sabotage ». Et cela en dépit du fait qu’ils n’ont jamais, selon les autorités, posé un risque sérieux à la sécurité nationale. Il s’agissait pour eux d’un geste d’éclat visant à dénoncer le danger que représentent les armes nucléaires, notamment celles avec uranium appauvri.
Ce type d’armes qu’on retrouve dans l’installation visitée par Sœur Rice et ses collègues est responsable des pires malformations congénitales et de l’apparition de cancers multiples. En Irak, par exemple, une étude réalisée par l’International Journal of Environmental Research and Public Health auprès de résidents de la ville de Fallujah où les troupes américaines ont utilisé des munitions à l’uranium appauvri démontre que les résidents souffrent de conséquences sanitaires «pires» que celles observées à la suite des explosions nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki.
« Nous devons avoir le pouvoir, l’amour, la force et le courage de transformer cette industrie. La vérité sur la terrible existence de ces armes doit nous guérir et guérir notre planète et c’est pour cela que nous donnons notre vie. » – Sœur Megan Rice
Pour sœur Rice, missionnaire pendant plus de 40 ans auprès des populations démunies d’Afrique de l’Ouest, la lutte pour la paix constitue le prolongement de son engagement pour un monde meilleur. Cette courageuse femme aurait sans doute bien mérité le prix Nobel de la paix décerné, en 2009, au président Obama dont la promesse de fermer la prison de Guantanamo est restée lettre morte. Cent cinquante-quatre personnes, sans aucune accusation, y croupissent toujours. L’utilisation des drones, ces petits avions téléguidés responsables de plus de 4 700 assassinats (La Presse, 20/02/13) dont la majorité des victimes sont des femmes et des enfants est toujours autorisé par le président des États-Unis. Des assassinats qui, tout comme ceux commis par Israël, sont simplement considérés comme des dommages collatéraux.
C’est aussi sous la présidence de Barack Obama qu’est maintenu en détention Bradley Manning, ce jeune soldat qui, dégoûté, a révélé les atrocités commises par l’armée américaine en Irak. Ce jeune « patriote » véritable héros pour avoir contribué à la fin de la guerre dans ce pays, risque de passer sa vie derrière les barreaux.
Si ce n’était de leur puissance, les présidents Bush et Obama feraient l’objet d’un procès devant la Cour Internationale de Justice en raison des actes posés sous leur mandat. Imaginons juste un instant « la levée de boucliers » provoquée par la Corée du Nord ou encore l’Iran, si l’un ou l’autre utilisait des drones comme le fait l’administration américaine.
Comment expliquer que ce sont Sœur Rice et ses compagnons, anciens soldats d’ailleurs, qu’on emprisonne? Qualifier de « terrorisme », « sabotage » ou « espionnage » les dénonciations des lanceurs d’alerte ou les actes de désobéissance civile permet au gouvernement des États-Unis de faire condamner les dissidents alors que ces gens luttent pour plus de démocratie et de justice. En fait, c’est une stratégie qui vise décourager toute forme d’opposition organisée.
Sœur Rice a déclaré à la barre des témoins. « Nous devons, avoir le pouvoir, l’amour, la force et le courage de transformer cette industrie (armement nucléaire, ndr). La vérité sur la terrible existence de ces armes doit nous guérir et guérir notre planète et c’est pour cela que nous donnons notre vie. »