Cet article s’inscrit dans le cadre du projet Proche en tout temps porté par Le Gyroscope et Le Périscope, deux organismes de la Mauricie venant en aide aux proches de personnes vivant avec des problématiques de santé mentale. Ce projet est rendu possible grâce au soutien financier de l’Appui Mauricie. Pour rejoindre l’équipe du projet Proche en tout temps, contactez-les par courriel au info@procheentouttemps.org.Kathy Guilhempey – coordonnatrice du projet Proche en tout temps – mars 2020
La maladie mentale peut altérer les pensées de la personne qui en souffre et l’amener à développer une perception de la réalité qui est biaisée par la maladie elle-même. Cette perception peut donc aussi emmener une modification du comportement de la personne. On observe souvent un retrait social chez la personne dépressive par exemple. Pour d’autres, pensées et perceptions altérées peuvent conduire à ressentir et exprimer de la méfiance, de la colère, voire de l’agressivité. L’entourage de la personne concernée est aux premières loges et subit souvent ces répercussions de plein fouet. Malgré l’amour et la patience, les relations peuvent devenir tendues, puis s’émousser jusqu’à se rompre totalement. Totalement? Peut-être pas : il est parfois possible de renouer. Même si la personne est âgée et qu’on se dit que rien ne pourra changer.

Renouer avec un proche, aujourd’hui aîné, qui vit avec une maladie mentale est, certes un exercice difficile, mais aussi une réalisation personnelle majeure.
Les années passent et apportent leur lot d’épreuves et de réflexions. Et c’est ainsi qu’un matin, Guy repense à Réjean, son grand frère, l’aîné de la famille avec qui il a coupé tout lien depuis 35 ans. Parce que Réjean l’a plus souvent qu’autrement insulté et accusé à tort. Et c’est ce que Guy a retenu : l’affront subi.
Toutes les personnes qui croisent Réjean le qualifient de « fou » : il se parle tout seul sans arrêt… à gorge déployée. Ces personnes ne voient que la maladie, pas la personne; alors que pour Guy, c’est l’inverse : il voit la personne mais refuse de voir la maladie dont son frère souffre et qui interfère avec ses pensées et ses comportements. Pour éventuellement renouer, Guy devra débuter par changer de regard sur son frère Réjean. C’est-à-dire accepter de le voir tel qu’il est vraiment : une personne… qui souffre d’une maladie s’immisçant dans ses moindres pensées.
Reste à savoir comment reprendre contact après tant d’années, si tel est notre souhait. Si la personne vit en résidence, approcher les employés, après avoir expliqué notre démarche, pourrait apporter beaucoup d’informations : à quel moment de la journée elle sera le plus disponible, ce qu’elle aime faire pour occuper ses journées… Par exemple, jouer aux cartes pourrait être une activité qui aiderait à faire passer les silences gênants, qu’il ne manquera pas d’y avoir, dans la reprise d’une conversation interrompue depuis tant d’années.

Avoir traversé soi-même même un grave burn-out par exemple, peut faciliter un changement de regard sur la maladie mentale.
Il va être important de laisser le temps à la personne concernée d’accepter de renouer contact, car elle n’aura peut-être pas fait le même cheminement intérieur, elle ne sera peut-être pas « rendue là ». Elle aura d’ailleurs le droit de refuser tout contact actuel et futur. S’y préparer mentalement pourrait aider à mieux l’accepter.
Renouer est un exercice délicat qui ravivera de nombreuses émotions difficiles. Et, en ce sens, renouer avec un proche aîné vivant avec une maladie mentale, ce n’est possiblement pas pour tout le monde. C’est important de le savoir et de l’accueillir sans jugement. Renouer demande du temps, du courage et du pardon. Pour autant, c’est probablement une des réalisations personnelles dont on sera le plus fier dans sa vie. C’est un exploit humain qui s’accomplit dans le silence des cœurs et qui se nomme « aimer ». C’est contribuer à parfaire le monde et sa beauté.
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