Jocelyne Harnois, Opinion du lecteur, 16 juin 2017
Les enquêtes sociologiques démontrent que l’âge est le facteur de discrimination le plus important, loin devant le sexe, l’origine ethnique ou la religion. Et les personnes âgées vivent, au jour le jour, les tristes conséquences de cette stigmatisation liée à l’âge. Paradoxalement, les jeunes aussi !
Pourquoi ? Tout simplement parce que nous appartenons tous à un système vivant dans lequel le soleil brille autant pour les très jeunes, les adolescents et les jeunes adultes que pour les plus vieux.
Au nom de l’humanité vivante, qui est notre lot à tous, jeunes et vieux se doivent de faire un « arrêt sur image » afin de réfléchir au fait que nous appartenons tous et toutes à une seule et même humanité. En effet, le soleil, notre source de vie, ne fait aucune distinction entre les humains. Au nom de quelle fausse idéologie pouvons-nous agir comme si certains êtres humains avaient plus de valeur que d’autres et n’avaient pas droit à leur part de vie ?
À cet égard, c’est-à-dire la valeur réelle des liens vivants, notre époque (20e et 21e siècles) est particulièrement dévastatrice. Même si certaines personnes ne se laissent pas happer par cette vision déshumanisante, encore trop, des jeunes comme des plus âgés, se laissent prendre au piège.
De nos jours, un grand décryptage des générations, commandé par les firmes de marketing et largement médiatisé, construit insidieusement en nous une idéologie chosifiante des êtres humains de tous âges. Cette idéologie nous enferme socialement dans une vision de la jeunesse et de la vieillesse qui est mortifère pour l’une comme pour l’autre.
Par exemple, le marketing autour de la génération des milléniaux convainc les jeunes nés entre 1981 et 2001 qu’ils font partie de la génération la plus spéciale de l’humanité. Quant au décryptage marketing de la génération des baby-boomers, il nous persuade qu’ils sont des égocentrés, des individualistes et des égoïstes qui ne veulent que voyager et surtout rester jeunes à tout prix. Le décryptage marketing du grand âge (75 ans et plus) est beaucoup moins actif puisque cette catégorie n’est plus aussi présente sur le marché, donc elle a une moins bonne valeur marchande, par conséquent elle est moins intéressante. De ce fait, nous sommes collectivement convaincus que les gens du grand âge sont une vraie charge sociale. Et socialement, nous les isolons, les cachons et les coupons du système vivant.
Toutes ces étiquettes nous chosifient tristement et érigent un mur véritable qui entrave la fluidité des communications vivifiantes entre les groupes d’âges. Ces étiquettes sont autant de muselières de la voix unique et essentielle de chaque personne, quel que soit son âge, son sexe, son statut économique, son ethnie, sa religion, etc. Comment, en 2017, alors que nous atteignons des sommets technoscientifiques encore inégalés, pouvons-nous humainement supporter un tel musellement, une telle chosification des personnes ? Comment pouvons-nous tomber dans ce piège autodestructeur et être à ce point coupés du système du « vivant » ?
D’un côté du mur, de trop nombreuses personnes âgées croient à tort que l’époque de leur jeunesse est la seule qui mérite le respect. Elles entretiennent dans leur cœur et leur esprit de tristes idées préconçues (véhiculées par les médias, mais non vérifiées dans leurs relations avec des jeunes) comme : la jeunesse est insupportable, les jeunes sont trop centrés sur eux-mêmes ou peu respectueux des traditions, les jeunes sont menaçants, etc.
Chers amies et amis âgés qui vous reconnaissez dans ce portrait, sachez que le soleil brille pour les jeunes d’aujourd’hui tout comme il a brillé pour vous durant votre jeunesse et qu’il resplendit encore aujourd’hui dans votre plus ou moins grand âge, et resplendira certainement encore pour les générations à venir. On est et on sera toujours le passé de quelqu’un. Et votre devoir d’humains est de relier sagement votre passé au présent et au futur si vous voulez rester pleinement vivants sous notre soleil commun.
De l’autre côté du mur, de trop nombreux jeunes des générations X, Y ou de celle des milléniaux, entretiennent dans leur cœur et leur esprit des idées aussi tristes que fausses (véhiculées par les médias, mais non vérifiées dans leurs relations avec des vieux) comme : la vieillesse est décadente, la vieillesse rend sénile, les vieux ne sont pas ouverts sur l’avenir, « tasse-toi, mon oncle », etc.
Chers amies et amis X, Y et milléniaux qui vous reconnaissez dans cette description, sachez que le soleil brille aussi pour vos aînés tout comme il brillera pour vous dans votre vieillesse ainsi que pour vos enfants et vos petits-enfants. On est et on sera toujours le futur de quelqu’un. Et votre devoir d’humains est de relier sagement le futur au présent et au passé si vous voulez rester pleinement vivants sous notre soleil commun.
Sachez, amis jeunes et amis vieux, que nous ne sommes pas des choses inertes qu’on peut acheter, vendre ou échanger. Nous sommes des vivants sous le soleil !
Amies et amis de tous âges, jusqu’à quand allons-nous nous laisser bêtement chosifier de la sorte ? Quand allons-nous enfin réintégrer le système du vivant sous le soleil commun de notre humanité ?