Daniel Landry et Alice Grinand, CS3R, mars 2018

Retrait des accords de Paris, remise en question de plusieurs accords de libre-échange, crise avec la Corée du Nord, avec l’Iran, relations troubles avec la Russie, annonce de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale israélienne. À énumérer cette liste, Trump semble avoir réussi, en un peu plus de 365 jours, à semer le chaos sur la scène internationale. Son caractère imprévisible, associé au poids des États-Unis sur la scène mondiale, sont une source d’inquiétudes. À raison?

Trump

Trump semble être nourri d’une obsession : défaire l’héritage Obama. Crédits: Wikicommons

« America first », c’est sur ce slogan que Donald Trump est parvenu, à la surprise mondiale, à remporter les élections présidentielles en 2016. De prime abord, ce credo transparait dans sa politique étrangère, et le multilatéralisme diplomatique (ONU), militaire (OTAN), ou commercial (OMC, ALENA, Partenariat Transpacifique) est remis en question. La politique étrangère de Trump semble ainsi teintée d’une obsession : défaire l’ « héritage » Obama, au moins celui de son image. Chantre du multilatéralisme, il avait entériné l’accord sur le nucléaire iranien, voulait relancer les accords de paix entre la Palestine et Israël ou annonçait vouloir fermer la prison de Guantanamo.

Pourtant, la rupture de Trump d’avec ses prédécesseurs n’est pas aussi radicale que ce que laissent croire les apparences : l’OTAN est bel et bien vivante, l’accord sur le nucléaire iranien a résisté, les États-Unis sont toujours présents en Afghanistan, en Irak ou en Syrie, et continuent leur course à l’armement. De plus, la relation des États-Unis avec le multilatéralisme s’inscrit dans une histoire faite de hauts et de bas.

Des relations ambiguës avec le multilatéralisme

Déjà dans l’entre-deux-guerres, Washington refusait de rejoindre la Société des Nations, l’ancêtre de l’Organisation des Nations Unies, dont le principal promoteur était pourtant le président américain d’alors, Woodrow Wilson. Les États-Unis ont entretenu une relation ambivalente, voire tumultueuse, avec l’ONU, institution emblématique du multilatéralisme, dès sa création en 1945. Membre permanent du Conseil de sécurité, l’Oncle Sam a usé, et abusé, du droit de veto et a refusé de ratifier plusieurs conventions internationales. En 1984, les États-Unis se retiraient de l’UNESCO, y revenaient en 2002, pour suspendre leurs paiements en 2012. Concernant le climat, ils avaient déjà refusé de signer le protocole de Kyoto en 1997.

Car il ne faudrait pas oublier la force des idées isolationnistes aux États-Unis, qui prévalaient jusqu’à la moitié du XXe siècle. Tombées en disgrâce après Hiroshima et la Seconde guerre mondiale dans les hautes sphères de la diplomatie américaine, l’impérialisme américain lui a succédé. Pourtant, au sein des classes populaires, les affaires étrangères ne semblent pas être une préoccupation prioritaire.

«La rupture de Trump d’avec ses prédécesseurs n’est pas aussi radicale que ce que laissent croire les apparences.»

C’est ainsi que Trump brandit l’étendard du nationalisme, qui semble être la priorité ultime : l’interventionnisme n’a de raison d’être que lorsque les intérêts américains sont mis en cause (la lutte contre Daech et la menace du terrorisme par exemple, ou encore la renégociation des accords de libre-échange pour qu’ils soient de « meilleurs deals » pour les États-Unis).

Une politique réaliste

En affirmant son hostilité vis-à-vis du multilatéralisme, Donald Trump s’inscrit dans une politique étrangère dite réaliste, où les rapports de force priment sur toute forme de diplomatie. L’annonce récente du gouvernement d’augmenter les dépenses militaires américaines, déjà faramineuses, en tranchant dans la diplomatie, appuie ce constat.

Néanmoins, la stratégie réaliste adoptée par Trump semble oublier une réalité indéniable : l’influence croissante des acteurs non étatiques sur la scène internationale. Par exemple, face à la décision trumpienne de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, certains représentant-e-s d’états ou de villes ont fait entendre haut et fort qu’ils se plieraient aux exigences du traité international. Un geste inédit alors qu’un accord international lie, juridiquement, des États plutôt que des acteurs de la société civile.

Que la diplomatie soit comparée (ou comparable) à des deals où chacun cherche avant tout à privilégier ses propres intérêts n’est pas révolutionnaire. Mais les relations internationales ont cela de plus complexe que chaque action peut avoir des répercussions, à court et long terme. Quel héritage laissera Trump, président du pays gendarme du monde, à la postérité? Il ne s’est peut-être pas lui-même posé la question.

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