Marc Langlois – Éditorial – octobre 2021

Le 15 septembre dernier, dans un échange à l’Assemblée nationale portant sur la Loi sur la laïcité de l’État, Gabriel Nadeau-Dubois a comparé François Legault à Maurice Duplessis. Le premier ministre a répliqué au coporte-parole de Québec solidaire en le traitant de « woke ». Même si cet événement peut sembler être une prise de bec futile comme nous en avons souvent été témoin au Salon bleu, pourrait-il y avoir des incidences plus sérieuses à voir un premier ministre récupérer ce terme comme une insulte ?

Nous vs Eux

Il y a deux mécanismes sociaux en cause dans les événements des derniers jours. D’une part, il y a un mouvement « woke » de gens qui s’auto-identifient, c’est-à-dire qui revendiquent eux-mêmes leur appartenance au groupe. Être « woke » signifie pour eux d’être « éveillé » face aux inégalités sociales et ethnoculturelles et cela les amène à dénoncer les différents systèmes d’oppression qui créent ces inégalités. D’autre part, des chroniqueurs de la droite identitaire ont récupéré le terme « woke » en cherchant à imposer une étiquette à ce mouvement qu’ils qualifient  de « radical et adepte de la censure ». François Legault a aussi participé à l’assignation de cette étiquette en affirmant qu’il s’agit de personnes qui voient « de la discrimination partout » et qui veulent « nous faire sentir coupable de défendre la nation québécoise [et] de défendre ses valeurs ». Cette perspective n’est pas surprenante venant de la part d’un premier ministre qui n’a jamais voulu reconnaître le racisme systémique au Québec. Bref, par ce mécanisme d’assignation, s’ensuit une généralisation et une perte de nuances dans les idées défendues dans ce débat. Le terme « woke », récupéré comme insulte, sert à classifier tous les opposants à la droite identitaire dans une catégorie cristallisée afin de discréditer leurs arguments en faveur de l’égalité et de la justice sociale.

Le jupon populiste de Legault

Un leader populiste cherche à incarner une lutte populaire en faisant appel au peuple, le « vrai monde », qu’il perçoit comme un bloc homogène. Dans le cas de François Legault, il ne fait pas appel à l’ensemble du peuple québécois dans sa diversité, mais plutôt au peuple « de souche », à celui qui est conforme à sa représentation de l’identité et de la culture majoritaire au Québec.

Le leader populiste crée également des oppositions tranchées et sans nuances. Dans ce cas-ci, le premier ministre traite tous les opposants à la Loi sur la laïcité de l’État comme une menace à l’identité nationale en affirmant : « Il y aura toujours des gens pour nous faire la leçon et nous dire qu’on n’a pas le droit d’imposer une langue commune, qu’on n’a pas le droit de défendre les valeurs québécoises, qu’on n’a pas le droit de défendre nos pouvoirs ». Pourtant, les opposants à ce projet de loi n’attaquent pas l’identité nationale du groupe majoritaire, ils dénoncent plutôt la discrimination à l’égard des groupes minoritaires. Rappelons que la Cour supérieure du Québec est arrivée à la même conclusion à l’égard de ce projet de loi.

Pourquoi utiliser « woke » comme une insulte ?

Les incidences d’employer des stratégies populistes et de récupérer le terme « woke » comme une insulte sont de camper le débat dans des positions peu nuancées et d’attiser les divisions en adoptant une posture « vous êtes avec nous ou contre nous ». Même si François Legault a affirmé devant l’aile jeunesse de son parti : « Ce n’est pas le temps au Québec de se diviser. C’est le temps de défendre notre cohésion sociale », il fait précisément le contraire en créant un faux dilemme. Défendre la cohésion sociale, c’est défendre le bien commun et non le bien d’une majorité au détriment d’une minorité.

Quand François Legault défend sa position nationaliste, tout comme quand il a fait appel à élire un gouvernement minoritaire conservateur pendant la campagne électorale fédérale, il importe de se rappeler qu’il ne défend pas les intérêts de la nation québécoise comme il le prétend. Il défend plutôt les intérêts de la Coalition Avenir Québec.

Un projet de loi discriminatoire

Peu importe notre opinion sur la Loi sur la laïcité de l’État, celle-ci a été jugée par la Cour supérieure du Québec comme étant discriminatoire, notamment envers les femmes musulmanes. Sachant qu’elle serait inconstitutionnelle, le Gouvernement du Québec a utilisé la clause dérogatoire afin de la protéger. Ce projet de loi est discriminatoire et inconstitutionnel parce qu’il entraîne une perte de droits garantis par les chartes canadiennes et québécoises des droits et libertés.

 

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