Valérie Delage
Peut-on choisir un modèle de société moins dépendant des hydrocarbures? Comme l’illustre l’imposante campagne de promotion menée par TransCanada pour son projet Énergie Est, de puissants lobbys sont à l’œuvre pour nous convaincre de la nécessité de participer au jeu géopolitique complexe du pétrole afin d’éviter un recul économique. Et si c’était tout le contraire? Si l’époque glorieuse de Dallas était bel et bien révolue?
Beaucoup croient plutôt que les États qui sauront réduire au plus vite leur dépendance aux énergies fossiles sont ceux qui s’en sortiront le mieux comme nous le démontrent déjà certains pays, notamment l’Allemagne et la Suède.
Alors que nous importons massivement du pétrole, le Québec fait l’envie dans le monde en raison de l’abondance de nos ressources qui constituent autant d’alternatives aux énergies fossiles. L’efficacité énergétique demeure toutefois l’objectif auquel il faut accorder la priorité.
D’autre part, la consommation d’énergie des bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels compte pour 30 % de toute l’énergie consommée au Québec. L’efficacité énergétique des bâtiments pourrait être grandement améliorée, par exemple en exigeant simplement que les nouvelles constructions soient orientées vers le sud pour leur permettre de faire une utilisation optimale de l’énergie solaire passive. La technologie existe, il suffirait de mettre en place des incitatifs pour l’incorporer dans les bâtiments neufs ou à rénover.
Des alternatives à l’automobile
Le secteur des transports représente à lui seul plus de 70 % de notre consommation de pétrole. Des mesures peuvent être mises en place pour rendre plus attractif le transport collectif par rapport à l’usage de l’automobile tout en assurant des déplacements rapides et bon marché. Notamment : le transport collectif souple, accessible de partout, le transport actif efficace (pistes cyclables, trottoirs, etc.), l’autopartage, le covoiturage, tant en ville qu’interurbain, etc. Miser sur l’électrification des transports est essentiel puisque c’est notre principale source d’énergie.
Programmes intégrés de maîtrise de l’énergie
Le troisième plus grand consommateur d’énergie, 30 % du total, est le secteur industriel et agricole. Là encore, il faut favoriser l’adoption de programmes intégrés de maîtrise de l’énergie. De nombreux pays d’Europe, dont l’Irlande, les Pays-Bas et l’Allemagne, satisfont aux exigences de normes telles qu’ISO 50001, qui leur permettent de surcroît d’éviter des taxes sur l’énergie ou le carbone.
Comment peut-on justifier le fait que 50 % des émissions québécoises de GES proviennent de la combustion de produits pétroliers, à un coût annuel de plus de 14 milliards de dollars, quand nous disposons de surplus d’électricité que nous vendons bien souvent à rabais? L’hydroélectricité est bien sûr notre plus importante ressource, mais nous pouvons aussi considérer avantageusement certains types de bioénergies, la récupération de la chaleur « fatale » (produite par les procédés industriels ou domestiques), la géothermie, les panneaux solaires thermiques, l’énergie éolienne, etc.
Plus de 500 entreprises québécoises tirent bien leur épingle du jeu dans l’industrie florissante des énergies vertes, un marché de 11 milliards de dollars, mais doivent le plus souvent faire affaire à l’étranger faute d’intérêt suffisant chez nous. En Mauricie, l’Institut de recherche sur l’hydrogène de l’UQTR et le Laboratoire des technologies de l’énergie, à Shawinigan, mènent des recherches sur les énergies renouvelables. Puisque le développement économique semble tant tenir à cœur à nos gouvernements, pourquoi s’entêtent-t-ils à dilapider notre argent dans des entreprises dépassées, à l’empreinte écologique désastreuse?
Ce n’est certainement pas d’un oléoduc dont nous avons besoin, mais plutôt d’un modèle de société à l’économie avant-gardiste, prospère, propre, humaine, à l’image des ressources et de la créativité dont dispose le Québec.