Illustration : Jacques Goldstyn
« Plutôt ordinaire » c’est le moins qu’on puisse dire, l’ambiance qui régnait ce soir du 16 octobre alors que le Conseil municipal de Trois-Rivières a adopté, à la majorité, le règlement d’emprunt de 84 millions $ visant à permettre l’agrandissement et la rénovation du quartier général de la police de Trois-Rivières. Disons que le climat n’était pas à la fête.
Il y avait pourtant unanimité sur le caractère désuet du bâtiment actuel, conçu pour y accueillir 115 personnes alors qu’il en loge aujourd’hui 250. Et tout le monde convenait du caractère « salé » de la facture à payer : d’une estimation initiale de 20 millions de dollars, on passe, le temps de deux mises à jour, à un montant de 84 millions. L’unanimité du conseil sur le sujet s’est arrêtée là et la proposition de règlement d’emprunt a été adoptée sur division.
Du côté des conseillers en faveur de la proposition, on arguait que tout report de la décision se traduirait par d’autres augmentations de coûts en raison de la situation inflationniste actuelle et de la rareté de main-d’œuvre, laquelle ne cesse d’exercer une pression sur les coûts de construction.
Or, dans le contexte où l’itinérance et la crise du logement n’épargnent pas Trois-Rivières, il est permis de se demander si cette dépense est une utilisation judicieuse des ressources. A-t-on réellement exploré en détails d’autres avenues susceptibles de répondre aux besoins actuels d’espace additionnel, mais à coût moindre?
À l’heure où d’autres villes du Québec tentent par tous les moyens d’implanter des îlots de verdure pour capter les eaux de pluie et réduire les impacts des vagues de chaleur en été, a-t-on vraiment considéré d’autres options que de transformer une partie du parc Albert-Gaucher en stationnement?
Deux enseignements peuvent être tirés d’une telle situation et permettre une prise de décision collective où prévaudrait le sentiment « d’avoir retourné chaque pierre » et examiné toutes les alternatives.
D’abord, celui de se doter d’une vision globale quant à l’impact que peuvent avoir de tels projets sur leur environnement immédiat, notamment dans le cas qui nous occupe la proximité des nouvelles installations du Centre Jeunesse, comme en a fait mention la représentante du district des Rivières Pascale Albernhe-Lahaie.
Autre enseignement émanant celui-là du commentaire du représentant du district de La-Vérendrye. Quoique favorable à la proposition, Dany Carpentier disait regretter l’absence de voix citoyenne dans les discussions entourant un projet d’une telle envergure. Sans doute qu’un appel à l’intelligence citoyenne aurait pu faire émerger d’autres pistes de solution face à ce projet qui, tous et toutes en conviennent, aura un impact majeur sur les finances de la ville et, par voie de conséquence, sur le compte de taxe des citoyens.
Reste cependant à définir sous quelles formes s’exprimerait, face à tel enjeu, la participation citoyenne et comment pourrait s’élaborer une vision globale de l’utilisation des espaces publics. Consentir à y travailler c’est faire un pas dans la bonne direction.
Des citoyen-nes ont tenté, sans succès, de déclencher un référendum sur l’agrandissement du poste de police. Pour tenir un référendum sur une question d’intérêt public dans une municipalité, la loi exige de recueillir en quelques jours 11 433 signatures au registre municipal, ce qui représente 10% des personnes habilitées à voter. Un seuil pour le moins prohibitif, surtout lorsque la signature en ligne n’est pas possible.
Outre la période de questions du Conseil municipal, quels espaces s’offrent aux citoyen-nes pour discuter ensemble des grandes priorités et des grands projets de leur communauté? Alors que les réseaux sociaux ressemblent plus souvent qu’autrement à des chambres d’écho, où sont les vrais espaces de délibération démocratique?
À cet effet, il faut saluer la tenue, le 23 novembre dernier, d’un atelier, organisé à l’initiative de la Ville, visant à connaître les attentes des citoyens en matière d’information, de participation et de consultation publiques. Considérant le climat plutôt tendu, entourant et résultant de récentes décisions à l’origine de controverses majeures, espérons que cette initiative soit suivie d’une véritable politique de consultation. Assisterons-nous à un dégel des relations entre citoyen-nes et élu-es?