Il n’y a pas que la course à la présidence
Lors des années d’élections présidentielles, la course à la Maison Blanche attire tous les regards et pas mal tous les médias. On parle peu des sièges au Sénat et à la Chambre des représentants qui sont, pourtant, très convoités et d’une extrême importance.
Fondées en 1789, la Chambre haute (le Sénat) et la Chambre basse (Chambre des représentants) constituent le Congrès. Tant les Sénateurs que les Représentants sont élus par la population et tous les projets de loi nécessitent l’assentiment des deux Chambres. Les sénateurs représentent les états alors que les membres de la Chambre basse représentent les différents districts de chaque état.
À chaque deux années, donc à chaque élection présidentielle et à chaque élection de mi-mandat, le tiers des sièges du Sénat [3] et la totalité des 435 sièges à la Chambre des représentants sont à combler.
Rôle du Sénat
Le pouvoir constitutionnel des Sénateurs inclut [de façon non exhaustive] la proposition de lois et d’amendements à des projets de loi, le pouvoir d’obstruction systématique (report de l’adoption des projets de loi en prolongeant les débats), la supervision du budget fédéral, et l’acceptation ou le rejet de nominations présidentielles à différentes agences gouvernementales. Le Sénat approuve aussi les traités avec les nations étrangères et a le pouvoir de condamner un membre de l’exécutif ou un fonctionnaire judiciaire avec les deux-tiers des votes lors d’un procès suivant une mise en accusation. Le Vice-Président ou la Vice-Présidente [des États-Unis] est le ou la présidente du Sénat, mais ne peut voter qu’en cas d’égalité. [4]
Élections au Sénat
Le Sénat compte 100 sièges au total. Pour être majoritaire, un parti doit obtenir 51 des 100 sièges. Actuellement, les démocrates en ont 51 (dont 3 indépendants alignés démocrates), et les républicains en ont 49.
Cette année, 34 sièges sont en élection en novembre, 23 étant actuellement détenus par les démocrates (ou indépendants) et 11 par les républicains. Les démocrates partent donc avec 28 sièges et doivent en gagner au moins 23 sur les 34 en élection pour rester majoritaires au Sénat. Un gros défi. Voici deux luttes à surveiller parmi les états dont le siège convoité est actuellement entre les mains des démocrates :
- Le siège du Montana qui est en jeu est actuellement bleu. Selon 538, la moyenne pondérée des intentions de vote est de 44,2 % pour les démocrates et de 49,6 % pour les Républicains. Il est fort probable que ce siège passe au rouge.
- En Ohio, le siège en élection est bleu lui aussi. Les démocrates semblent en avance, mais légèrement. Selon 538, la moyenne pondérée des intentions de vote est de 47,9 % pour les démocrates, un maigre 2,3 points d’avance sur les Républicains.
Pour les républicains la tâche est plus facile. Ils partent avec 38 sièges et ils n’ont qu’à en gagner 13 sur 34 pour arracher la majorité aux démocrates (un gain net de 2 par rapport aux sièges qu’ils détiennent actuellement). Une dizaine de sièges leur sont quasiment acquis. Les luttes à surveiller pourraient être les suivantes :
- Au Texas, le siège de Ted Cruz est en jeu. Selon 538, l’avance des Républicains n’est que de 3,6 points et ne cesse de resserrer depuis le début de l’été.
- La Floride a aussi un siège rouge au Sénat qui est en jeu. Selon 538, l’avance des Républicains est de 4,6 points et, à l’instar du Texas, l’écart ne cesse de se resserrer alors qu’il était à près de 9 points à la fin du mois de juillet.
Si les Républicains ne gagnent pas la présidence, ils ont besoin d’un gain net de 2 au Sénat (passer des 11 en élection qu’ils détiennent à 13 après l’élection). Ils auront alors le contrôle du Sénat avec les 51 sièges requis. Toutefois, s’ils gagnent la présidence, ils n’ont besoin que d’un gain net d’un siège. Il y aurait alors égalité 50 à 50 pour les sièges au Sénat. Mais en cas d’égalité, la personne à la vice-présidence tranche car elle est présidente du Sénat. Comme les républicains détiendraient la présidence et la vice-présidence des États-Unis, ils auraient par le fait même le contrôle du Sénat.
Tout comme les élections présidentielles, celles au Sénat se jouent donc dans un très petit nombre d’états. Ajoutons que les démocrates sont assurés de perdre un siège en Virginie-Occidentale avec Joe Manchin (indépendant aligné démocrate) qui quitte la politique. L’avance des Républicains est colossale et il semble impossible pour les Démocrates de conserver ce siège.
En fait, le seul espoir du parti démocrate semble être l’égalité 50-50 avec Kamala Harris à la Maison-Blanche ; son colistier Tim Walz aurait le vote décisif à titre de Vice-Président américain et, par conséquent, président du Sénat.
Si les démocrates perdent le contrôle du Sénat, ils devront absolument gagner celui de la Chambre des représentants. À suivre la semaine prochaine…
Intentions de vote nationales et états pivots
Que ce soit à l’échelle nationale (Tableau 1) ou dans les états pivots (Figure 1), tout est toujours aussi serré. On a beau dire que les hommes blancs votent Trump ou que les jeunes aiment Harris, de semaine en semaine, c’est l’immobilisme le plus désarçonnant dans les sondages.
L’actualité venteuse de la semaine
L’ouragan Milton a touché la Floride le mercredi 9 octobre en fin de soirée et au cours de la journée du 10 octobre. Selon les autorités locales, les dégâts seraient moins importants que ce qui avait été initialement prévu. Mince consolation car il n’en demeure pas moins que la facture sera salée – possiblement plus de 100 milliards USD pour les assureurs [5]. Le retour à la normale sera long et pénible pour les communautés affectées et rien n’exclut que d’autres événements météorologiques ne surviennent d’ici le 5 novembre. La cause : changements climatiques pour les uns et malfaisance gouvernementale de la part des démocrates pour les autres (selon Marjorie Taylor Greene, une représentante de la Georgie).
Les séquelles des ouragans Helene et Milton risquent de compliquer le vote. Dans certains des états qui ont été sévèrement touchés, et où les courses sont les plus serrées, les accès aux lieux de votation risquent d’être entravés.
En Georgie, des groupes de pression ont porté devant la justice une demande pour prolonger la période d’enregistrement des électeurs en faisant valoir que les dégâts causés par Helene nuisent à ce processus qui est le mécanisme donnant aux individus la possibilité de voter. Cet état est chaudement contesté, l’avance des républicains variant entre 0,5 et 0,8 points en moyenne (12-10-2024)[6].
En Floride, même enjeu après de le passage de Milton. Sauf que le gouverneur républicain Ron de Santis a refusé une prolongation de la période d’enregistrement et que le président de la Chambre des représentants, le républicain Mike Johnson, refuse d’appuyer la demande du président Biden de débloquer des fonds additionnels pour venir en aide aux sinistrés de la Floride. Leur calcul est possiblement que de telles mesures feraient bien paraître les démocrates et que la prolongation de la période d’enregistrement pourrait favoriser la sortie du vote démocrate.
La Floride n’est pas vraiment un état pivot, mais la course est relativement serrée. Le site 538 rapporte une avance moyenne, dans les sondages, de 4,9 points en faveur des républicains, le site RCP leur donne une avance plus nette de 6,2 points et le site Silver Bulletin concède une avance de 5,2 points. Ces nombres semblent convaincants, mais il ne faut pas oublier qu’il y a à peine deux mois, l’avance des républicains était de 11 points en moyenne et qu’un sondage du New York Times / Siena College clos le 6 octobre dernier donnait même une avance de 14 points aux républicains. Les intentions de vote paraissent très volatiles dans cet état sévèrement touché par les deux derniers ouragans et qui, à chaque année, est un passage naturel pour ces intempéries dévastatrices. Reste à voir de quel côté tournera le vent politique.
En Caroline du Nord, particulièrement dans le nord de cet état pivot, des mesures d’urgence ont été instaurées pour faciliter le vote, mais aucune modification au processus d’enregistrement n’a été apportée.
Donc peu de modifications pour ce qui est du processus d’enregistrement des électeurs, mais selon Forbes [7], plusieurs états ont pris des mesures d’urgence pour faciliter le vote lui-même : déplacement des lieux et adaptation des heures de votation, plus de flexibilité sur l’acceptation des demandes de vote à distance (ce que les républicains n’aiment habituellement pas), et budgets additionnels pour permettre aux organisations électorales des contés affectés de s’adapter adéquatement.
La politisation de la misère
La politisation des ouragans Helene et Milton est désolante, mais on aurait tort de penser qu’il s’agit d’une exclusivité 2024. Richard Hétu [8] rappelle que les vents de panique ont été instrumentalisés par les Obama, Bush père, et Bush fils surtout, qui a dû composer avec quatre ouragans qui ont frappé la Floride entre le mois d’août et la date des élections en 2004. Mais cette année, les États-Unis n’en sont plus à qui se montrera en premier sur le terrain, ou prononcera la phrase unificatrice du genre « je m’inquiète pour les américains, pas pour les élections » (Obama en 2012).
Les personnes les plus touchées par les ouragans de cette année ont plus difficilement accès aux sources d’informations et ont évidemment beaucoup d’autres préoccupations que de se questionner sur les bassesses politiques des candidats et des élus en place.
Marjorie Taylor Greene, une représentante de la Georgie, accuse les démocrates de contrôler la météo depuis l’Antarctique et de causer des ouragans pour nuire aux républicains. Même les républicains sont désespérés et lancent un appel pour calmer le jeu (sénateur républicain Kevin Corbin, Caroline du Nord).
Trump accuse Biden de ne pas répondre aux appels de Brian Kemp, Gouverneur de la Georgie, suite au passage de Helene dans cet état. Il accuse aussi l’Administration Biden de ne donner que 750 $ aux victimes et affirme que Harris détourne l’argent de l’agence fédérale responsable de la gestion des situations d’urgence (FEMA).
Jane, James et leurs trois enfants (dont un nourrisson de 4 mois) cherchent où se loger. Ils ont perdu leur auto dans les inondations et doivent reconstruire une partie de leur maison en se demandant ce qu’ils vont manger dans la journée. Pas le temps, ni l’énergie, ni la motivation pour réfléchir aux élucubrations des politiciens qui sèment la panique à tout vent et tentent de profiter de la misère de leurs commettants. Jane et James ont peu d’informations sur la façon de trouver de l’aide. Ils sont dans l’urgence. Et pour ce couple, chaque heure qui s’écoule, sans que leur sort ne s’améliore, est une preuve d’abandon. Se faire dire que la seule aide à laquelle ils auront droit est un montant de 750 $, qu’une candidate détourne les fonds destinés l’aide d’urgence et que le gouvernement planifie les ouragans est un coup de massue qui paralyse, physiquement et mentalement.
Des nouvelles du front
Le mercredi 9 octobre, Joe Biden s’est entretenu 45 minutes avec Benyamin Netanyahou, le premier ministre d’Israël. Biden ne veut pas qu’Israël attaque le pétrole Iranien, ni ses installations nucléaires. Netanyahou : pas certain qu’il soit de cet avis. Et celui-ci aimerait peut-être mieux Trump que Biden à la présidence américaine. Parce que Trump partage le point de vue de Netanyahou et a même dit qu’Israël devrait attaquer les installations nucléaires de l’Iran en priorité. Alors, un plus un… Hypothèse pas si farfelue : Netanyahou attaque le pétrole Iranien, ce qui va avoir un impact quasi instantané des prix à la pompe, ce qui sera reproché à Biden car il n’aura pas su contenir Netanyahou, et ce qui va profiter à Trump.