Des données sur la valeur des biens et services écosystémiques (BSE) liés aux milieux naturels du territoire pourraient aider les élu(e)s de Trois-Rivières à éclairer la prise de décision sur les orientations de développement de la Ville.

Le conseil municipal, qui sera bientôt invité à se prononcer sur le projet de développement industriel au carrefour des autoroutes 40 et 55, le fera à la lumière des informations dont il dispose. Or, si les retombées économiques attendues de ce développement ont été chiffrées, la valeur des services apportés à la population par les milieux humides n’a pas fait l’objet d’une telle évaluation économique.

Les biens et services écosystémiques

Il existe une science qui permet d’attribuer une valeur monétaire aux milieux naturels, sur la base des bénéfices qu’ils apportent aux populations humaines. Ces avantages, nommés biens et services écosystémiques (BSE), correspondent aux fonctions qu’assument ces milieux et dont les humains bénéficient.

Les milieux humides participent notamment à la régulation du climat en captant les gaz à effet de serre par le processus de photosynthèse des plantes. De plus, ils préviennent l’érosion et filtrent les polluants, atténuent l’effet des inondations et maintiennent des habitats pour la biodiversité. Ces services ont une valeur pour la communauté, qu’il est possible de chiffrer financièrement.

À titre d’exemple, une récente étude réalisée par la firme Habitat, pour le compte de l’organisme Abrinord, a calculé que les bénéfices offerts à la population par les milieux naturels du bassin versant de la rivière du Nord valent 522,7 millions de dollars par année.

L’étude démontre également que les milieux naturels des Laurentides constituent un stock de carbone de 35 millions de tonnes, ce qui représente l’équivalent des émissions de 40 millions de voitures pendant un an. Cette quantité de carbone vaudrait 6,7 milliards de dollars sur le marché.

Une autre étude, détaillée dans l’ouvrage Nature et économie, estime que la valeur des services écosystémiques fournis par les milieux humides du bassin versant de la rivière Bécancour totalise entre 3 143 $ et 10 049 $ par hectare annuellement. Des résultats similaires ont été obtenus pour le bassin versant de la rivière Yamaska.

Le conseil municipal de Trois-Rivières sera bientôt invité à se prononcer sur le projet de développement industriel au carrefour des autoroutes 40 et 55.

Parler le même langage

« Les gens connaissent souvent mal la valeur des milieux humides, qu’ils considèrent simplement comme une terre mal drainée sur laquelle on ne peut pas construire », constate Mélanie Lauzon, coordonnatrice Projets et communications chez Abrinord.

Cet organisme cherchait à développer un argumentaire robuste pour convaincre et sensibiliser les acteurs économiques et politiques de l’importance de conserver ou de restaurer le patrimoine naturel.

« Qu’est-ce que ces milieux apportent à la société ? Quels services rendent-ils ? En chiffrant ces services, nos arguments ont maintenant plus de poids, puisqu’on parle désormais le même langage que les promoteurs et les élus municipaux », explique Mélanie Lauzon.

Aucune donnée à Trois-Rivières

Le projet présenté par la Ville de Trois-Rivières lors de la séance d’information du 30 mars dernier détruirait 15 hectares de milieux humides. Le drainage de 12 hectares limitrophes de cette aire modifierait par ailleurs les caractéristiques « humides » des lieux. Si le projet allait de l’avant, c’est donc 27 hectares de terres humides au total qui seraient touchés.

La Ville évalue que la destruction de 2,1 hectares de tourbières empêcherait la captation de 0,42 tonne « d’équivalents CO2 » par année. Elle n’a toutefois pas présenté de données sur la captation à soustraire pour les 25 autres hectares du projet.

Mis à part la captation du carbone, l’étude réalisée dans les Laurentides montre qu’il serait possible d’évaluer la valeur monétaire d’au moins sept autres services écosystémiques, soit :

  1. L’approvisionnement en eau
  2. Le stockage du carbone
  3. Le contrôle de l’érosion 
  4. Le contrôle de l’azote 
  5. Le contrôle du phosphore 
  6. La valeur d’habitat pour la biodiversité
  7. L’esthétisme des paysages

Un outil d’aide à la décision

Les résultats de l’étude commandée par Abrinord serviront notamment d’outils d’aide à la décision. « L’exercice [de calcul des BSE] nous permet d’appuyer les villes et les MRC dans leurs décisions d’aménagement du territoire », précise Mélanie Lauzon. Il s’agit également d’un outil de sensibilisation auprès des promoteurs et des industries.

En établissant sa politique environnementale, Trois-Rivières s’est engagée à protéger et à gérer de façon durable les milieux humides et hydriques. Lorsqu’ils sont détruits, « les fonctions hydrologiques normalement remplies par ces milieux naturels doivent être remplacées par des ouvrages de gestion de l’eau tels que des bassins de rétention, des fossés et des canalisations ». Ceux-ci sont « sont coûteux à construire et à entretenir », peut-on lire dans le document de la Ville.

Lis aussi : L’heure est-elle toujours à la lutte citoyenne pour l’environnement?

La politique environnementale indique que la Ville veut « former les autorités et informer la population quant aux services écologiques rendus par les milieux humides et hydriques. » Elle prévoit par ailleurs leur intégration dans le système de gestion d’actifs de la Ville, à titre d’actifs naturels. « Les milieux humides et hydriques seront les premiers milieux naturels à être intégrés à cette vaste base de données qui recense l’état des actifs dans le temps, en ciblant des objectifs de vétusté et les coûts d’entretien qui y sont associés», explique Guillaume Cholette-Janson, porte-parole de la Ville. En collaboration avec plusieurs organismes de la région, la Ville travaille actuellement à la rédaction du Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH) qui doit être déposé au Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques en juin 2022. «Les données du PRMHH seront ensuite intégrées au système de gestion des actifs» précise M. Cholette-Janson.

« Les conseils municipaux prennent encore la majorité de leurs décisions sur des bases économiques », souligne Mélanie Lauzon. En est-il ainsi à Trois-Rivières ? Les données du PRMHH seront-elles chiffrées? En quel sens évoluera la décision du conseil quant au parc industriel 40/55 ?

À l’instar de la démarche qui a été effectuée dans les Laurentides, l’introduction d’un calcul des biens et services écosystémiques à l’intérieur de ces objectifs politiques municipaux pourrait assurément aider.

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