Propos d’Ali Assani recueillis par Magali Boisvert, mai 2019
Ali Assani, professeur de climatologie à l’UQTR, est de ceux et celles qui savent lire dans les lignes de la main de la terre, nous l’avons rencontré pour en savoir davantage sur les multiples contributions environnementales de la forêt, notamment au niveau du climat.
La forêt, plus complexe qu’il n’y paraît
Les impacts des forêts sur la hausse des températures sont plus complexes qu’on y croit. Il est vrai, comme le rapportent habituellement les médias, que les forêts absorbent, via le processus de photosynthèse, beaucoup de CO2, contribuant ainsi à diminuer le réchauffement de la planète. Mais, précise M. Assani, elles dégagent beaucoup de vapeur d’eau et la combustion de la biomasse des forêts dégage également beaucoup de CO2 stocké dans les feuilles et branches mortes. Par contre, la combustion de cette biomasse génère des aérosols qui entraînent une baisse de la température, qui, quant à elle, est bénéfique.
Le rôle le plus méconnu des forêts est la réduction significative de l’albédo de la terre, soit son degré de réfléchissement. L’albédo explique d’ailleurs pourquoi les rues de Los Angeles sont peintes en blanc, cela afin de réduire de plusieurs degrés la chaleur qu’elles dégagent.
D’autre part, la déforestation provoque une importante diminution de la température pendant la nuit et une hausse pendant le jour. Ce phénomène est plutôt méconnu du public, souligne M. Assani, alors que son impact climatique est très important, davantage même que celui associé à l’absorption du CO2.
Les modèles climatiques utilisés actuellement, poursuit-il, ne tiennent pas compte de toutes ces rétroactions ce qui peut être à l’origine d’une évaluation incomplète des impacts éventuels des forêts sur le réchauffement de la planète.
Les incendies représentent une réelle menace sur nos forêts puisqu’ils sont plus en plus fréquents en raison de la hausse de la fréquence et de l’intensité de la sécheresse estivale provoquée par le réchauffement climatique. On doit prendre des dispositions législatives et règlementaires pour atténuer les impacts de ces incendies.
Multiples contributions environnementales
Indépendamment du réchauffement climatique, les forêts ont de nombreuses autres contributions environnementales. Elles atténuent les inondations et la variabilité extrême des débits de rivières et constituent, de ce fait, un facteur de protection contre l’érosion des sols ce qui a un impact sur la qualité des eaux de rivières. Outre ces rôles hydroclimatiques, les forêts jouent aussi des rôles écologiques et socio-économiques importants. Ce sont les raisons pour lesquelles il faut absolument les protéger et mieux les gérer.
Il faut, conclut M. Assani, assurer leur protection en élaborant des lois et règlements qui permettent une exploitation responsable dans le contexte du développement durable en évitant des coupes à blanc sur des grandes superficies, une pratique qui risque de nuire à la régénération de la forêt.
En somme, si les forêts sont des sources précieuses de vie aujourd’hui, elles le seront encore davantage dans les décennies à venir, à l’aube d’une transformation climatique extrêmement rapide.