Magali Boisvert – Dossier spécial: Se refaire une santé – mai 2020

Témoignages d’une préposée volontaire et d’un travailleur à l’urgence

Dans le cadre de ce dossier spécial sur le milieu de la santé en temps de coronavirus, nous avons tenu à recueillir les témoignages de travailleurs et travailleuses de la santé qui sont au front dans nos résidences et dans nos hôpitaux.

Tout d’abord, un constat navrant : dans le milieu des CHSLD, l’omerta règne. Après que j’eus contacté une préposée aux bénéficiaires (PAB) dans un CHSLD de la Mauricie, des membres de son établissement lui auraient fait comprendre, peu avant son entrevue, qu’elle ne devait pas parler de ce qui s’y passe. Mais certaines personnes osent tout de même s’exprimer.

Le personnel du CHSLD Roland-Leclerc débordé

L’une de ces travailleuses de la santé, une étudiante en sciences infirmières qui souhaite rester anonyme, s’est portée volontaire au CHSLD Roland-Leclerc de Trois-Rivières en tant que PAB. Ne faisant face pour l’instant qu’à un seul cas stable de COVID, le personnel de cet établissement est tout de même surchargé. Selon cette PAB volontaire :

« Les conditions présentement sont très difficiles. Premièrement, tout le personnel a été rehaussé à temps plein afin de combler le manque. Ainsi, la plupart font sept ou huit jours de suite, ont une journée de congé, puis refont une séquence de sept ou huit jours d’affilée. C’est donc extrêmement exigeant. »

Cette PAB volontaire ajoute que les mesures prises par le gouvernement sont bien insuffisantes : « [L]es salaires des préposées ne sont clairement pas assez élevés et […] le 4 ou 8 % de bonus annoncé par le gouvernement équivaut à environ 45 $ pour 60 heures de travail… qui sont ensuite imposés à moitié par le gouvernement fédéral. »

L’étudiante en sciences infirmières déplore également le manque de renfort : « [N]ous sommes souvent en manque de personnel et devons faire du temps supplémentaire obligatoire si personne n’a été trouvé afin de remplacer. Toutes les vacances, tous les congés sans solde et congés pour études ont été annulés. Le moral est donc bas et c’est difficile pour tous, car nous travaillons extrêmement dur sans avoir droit à un congé. »

Le bien-être des résidents et résidentes avant tout

Malgré la pénurie de masques, les pauses réduites et le manque de personnel, cette préposée volontaire pense surtout à l’isolement social des résidents et résidentes des CHSLD : « [Ces personnes] sont tristes et s’ennuient de leur famille. Elles n’ont plus aucun contact avec leur parenté, sauf par téléphone si nous avons le temps [d’établir la communication]. »

Elle assure cependant que, « malgré tout, nous prenons soin de nos résidents et nous avons à cœur leur bien-être. [M]ême si on est toujours à la course, on ne diminue en aucun cas la qualité des soins qu’on donne à nos usagers. [O]n préfère empiéter sur notre diner, pause ou départ que de laisser un usager dans une culotte souillée ».

Un système anémique depuis plusieurs années

Pour notre PAB volontaire, qui œuvre pourtant depuis peu dans un CHSLD, « la situation est pénible et nous avons l’impression de tenir à bout de bras un système défaillant depuis des années. J’étais au courant de la situation pénible dans les CHSLD, mais je peux vous confirmer que depuis que j’y travaille, ma perception a complètent changé et personne ne mérite de travailler dans de telles conditions. Ces personnes font un travail incroyable. »

Marc-Antoine Nadeau, président de l’Association des étudiant(e)s en sciences infirmières (AESI) de l’UQTR et agent administratif aux urgences du CIUSSS MCQ.

Un travailleur de la santé touché par la COVID

Marc-Antoine Nadeau est président de l’Association des étudiant(e)s en sciences infirmières (AESI) de l’UQTR et agent administratif aux urgences du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ). Il a montré certains symptômes de la COVID à la fin mars, a reçu un test positif, puis a dû faire une quarantaine de trois semaines sans mettre le nez dehors. Il commente sa situation ainsi :

« Ce que j’ai trouvé vraiment frustrant, c’est que j’ai attrapé la COVID le mois passé, et la CNESST ne va pas payer mes heures parce que, selon eux, c’est peu probable que je l’aie attrapé à l’urgence, ce qui est vraiment, selon moi, niaiseux. »

Le vrai œil de la tempête

Si notre source en CHSLD urge la population à venir donner un coup de main, Marc-Antoine, aux urgences, n’a jamais vu une salle d’attente aussi vide. Il semblerait que le champ de bataille ne se trouve pas là où on l’avait attendu.

Consultez les autres articles du dossier : Se refaire une santé

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