Maad Chara – Société – septembre 2021
Pour plusieurs nouveaux arrivants, l’intégration est un processus long et complexe qui nécessite une implication de leur part et une certaine ouverture de la part de la société d’accueil. Ainsi, le programme PINA (Programme d’Intégration des Nouveaux Arrivants) du Club de Soccer Trois-Rivières (CSTR) tente d’accélérer ce processus et de donner l’opportunité à des jeunes joueurs d’affirmer leur identité et de renforcer le sentiment d’appartenance à la société québécoise par le biais du soccer.
« J’embarque dans mon auto avec un Congolais, un Colombien et un Syrien qui ne sont au Québec que depuis quelques années et je peux vous dire que c’est formidable de les entendre parler en français ». C’est avec ces mots de fierté que Jean-François Hardy, instigateur et coordonnateur du programme PINA, parle de son expérience avec le CSTR. Ces mots ont trouvé un écho auprès de Nicolas Radiowski, coordonnateur du même programme et étudiant à la Maitrise en loisir à l’UQTR. « Cela fait chaud au cœur de voir les parents des joueurs participants au programme discuter le soir après les pratiques et les matchs avec les autres parents », ajoute celui-ci.
Malgré cette fierté partagée, les deux coordonnateurs sont conscients que rien n’est parfait et que tout peut s’améliorer. Ils mentionnent qu’ils font face à quelques défis logistiques, notamment ceux liés au transport, mais ils restent optimistes par rapport à l’avenir de ce programme. En effet, M. Radiowski souligne qu’ils travaillent fort sur ce point : « On essaie de jumeler les jeunes de ce programme avec les autres jeunes pour le covoiturage, car cela est notre grand défi ».
La réalité sociale, le soccer comme facteur de changement
Le soccer, en tant que sport le plus populaire au monde, possède une grande résonance identitaire et affective. Il contribue aussi à renforcer les liens d’appartenance à la ville et au pays. Ces liens existent aussi au sein des clubs amateurs et semi-professionnels et donnent la possibilité à plusieurs jeunes de s’identifier et de forger leur personnalité en jouant au ballon rond. En effet, Hardy souligne que « dans une ville, il y a une géographie socio-économique (des HLM, des quartiers pour les étudiants, des quartiers riches, etc.) et dans chaque quartier, il y a des écoles fréquentées par les enfants qui demeurent à proximité. Généralement, les enfants des nouveaux arrivants sont regroupés dans les mêmes écoles (en raison des programmes de francisation), et cela n’est pas une vraie intégration ».
D’ailleurs, les coordonnateurs du PINA visitent les écoles primaires Cardinal-Roy et Sainte-Thérèse, fréquentées par plusieurs jeunes issus de l’immigration, avant chaque saison de soccer. L’année dernière, grâce à l’une de ces visites, le parcours de la jeune Naomi Neema a pris un tournant plus que positif. La jeune d’origine ougandaise, installée au Québec depuis 8 ans, est passée du futsal (soccer à l’intérieur) au soccer extérieur et elle se démarque avec ses grandes qualités footballistiques. Ses performances lui ont valu une bourse d’étude à l’académie des Estacades tout en contribuant à l’accession de son équipe au niveau de compétition AA. Ainsi, la jeune Neema remercie ce programme qui lui a permis de « connaitre du monde, d’avoir des amis et de pouvoir continuer de jouer au soccer tout en accédant à une grande école ».
“Il n’y a pas d’endroit dans le monde où l’homme est plus heureux que dans un stade de football.” – Albert Camus
Pour le sociologue français Pierre Bourdieu, qui s’intéressait au soccer comme phénomène social, un individu acquiert, tout au long de son processus de socialisation, un stock de capitaux qui détermineront sa place dans la société. Dans le cas des nouveaux arrivants, le soccer peut accélérer ce processus, notamment avec le soutien d’un programme comme celui du CSTR.
Radiowski qui, en plus de coordonner le PINA, effectue des recherches dans le cadre de sa maîtrise sur la contribution du soccer dans le processus d’intégration des nouveaux arrivants, rappelle que le programme vise à financer les frais d’inscription des participants. Sans ce soutien, des jeunes comme Naomi Neema ne pourraient pas jouer dans une ligue avec d’autres jeunes de la communauté d’accueil.