Le comité environnement de l’association des lacs en Croix, Barnard et Régis fait valoir auprès du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques l’intérêt de protéger un petit joyau écologique à Saint-Mathieu-du-Parc.
La demande, qui a été présentée en mars dernier à la Direction des aires protégées du ministère vise la protection d’un territoire d’environ 20 km2, limitrophe au Parc national de la Mauricie et à la réserve faunique Mastigouche. Un secteur qui, selon le comité de citoyen à l’origine de cette proposition, comprend des éléments uniques à préserver, en termes de ressources aquatiques, fauniques et forestières, de patrimoine bâti, de paysage et d’espèces à protéger.
Le territoire de l’aire protégée souhaitée n’est accessible que par un seul chemin cahoteux. Les 46 chalets situés sur les rives des lacs, auxquels on accède seulement par bateau, ne sont pas desservis par les réseaux d’égouts, d’aqueduc ou d’électricité.
En raison de cette occupation humaine très limitée, le milieu naturel est demeuré relativement intact. Luce Lafontaine, membre du comité, souligne que « le lac en Croix est un lac oligotrophe, où l’eau est d’une pureté exceptionnelle. Il y a très peu de lacs de cette nature-là qui sont occupés par l’homme. Nous cherchons à préserver ce trésor du développement sauvage, en établissant des limites d’exploitation. »
Une faune unique et fragile
C’est d’abord en s’intéressant à la population de poissons que Jean Lachaume et d’autres propriétaires de chalets du secteur se sont rendu compte du caractère unique de la faune des lieux. « Nous avons appris que la population d’omble de fontaine des lacs du parc national de la Mauricie et des alentours montre une génétique spécifique, causée par son isolement prolongé suivant la dernière glaciation », explique-t-il. Une étude réalisée en 2018 par le ministère de la Faune et des Parcs aurait par la suite constaté que cette espèce dont les caractères présentent « une lignée évolutive unique » se trouve en situation précaire dans le secteur du lac en Croix.
Le territoire à protéger offre également un habitat à la tortue des bois, une espèce menacée et à la tortue serpentine, dont le statut est considéré comme étant préoccupant. Quatre espèces floristiques dont l’une est vulnérable et trois autres sont susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables sont aussi présentes dans le secteur.
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Entre deux parcs
La création d’une nouvelle réserve de biodiversité, entre les deux autres aires protégées que sont le Parc national de la Mauricie et la réserve Mastigouche, contribuerait à réduire les pressions sur ces territoires. La gestionnaire de la conservation des ressources du Parc national de la Mauricie souligne dans une lettre d’appui au projet, que la création de cette nouvelle aire protégée « favoriserait la connectivité avec les habitats pour des espèces phares comme le loup, l’ours, l’orignal et la martre. »
La réserve Mastigouche estime pour sa part que le projet permettrait une meilleure préservation des ressources aquatiques du bassin versant du lac Shawinigan, un secteur vedette de la réserve. D’ailleurs, depuis quelques années, la SEPAQ cherche justement à mobiliser les acteurs présents dans les zones périphériques de ses parcs nationaux afin de répondre aux enjeux qui dépassent les limites des territoires protégés.
Jean Lachaume indique que le territoire à protéger, qui comprend certains écosystèmes forestiers vieux de plus de 150 ans, fait actuellement l’objet d’un plan d’aménagement forestier intégré visant à autoriser des coupes « totales » autour du lac en Croix et jusqu’aux limites du parc national. Toutefois, le comité de citoyens a reçu un courriel du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs les assurant qu’aucune récolte de bois ne sera réalisée pendant l’analyse de la proposition de réserve de biodiversité soumise au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques.
Un site accessible à la population
À la fin de l’année dernière, le gouvernement du Québec annonçait avoir atteint son engagement de protéger 17 % du territoire de la province pour 2020. Cependant, la majorité des nouvelles aires protégées ont été créées dans des zones nordiques et peu accessibles. La prochaine cible à atteindre dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique sera de 30 % d’aires protégées « représentatives » au Québec d’ici 2030.
« Les réserves de biodiversité qui donnent le plus de bénéfices sont celles qui se trouvent à proximité des populations locales. En plus des avantages écologiques, l’aire protégée que l’on veut créer à Saint-Mathieu-du-Parc offrira aussi des bienfaits à la population qui pourra la fréquenter. C’est une belle opportunité à saisir, » soutient madame Lafontaine.