Tout le gratin politique de la Mauricie et du Centre-du-Québec s’était donné rendez-vous à Bécancour le 29 mai dernier pour assister à la désignation officielle de la Vallée de la transition énergétique. Par la même occasion, les gouvernements du Québec et du Canada ont annoncé un investissement majeur de près de 300 M$ dans la nouvelle usine de production de cathodes mise en chantier par le consortium formé de GM et de la sud-coréenne POSCO.

Cette annonce vient récompenser tous les efforts investis au cours des dernières années par les représentant.e.s des villes de Shawinigan, Trois-Rivières et Bécancour ainsi que de l’UQTR.

Disposant déjà d’une grappe industrielle dans les secteurs de l’électrification des transports, de la filière batterie et de l’hydrogène, la région était bien positionnée pour recevoir cette désignation. Celle-ci lui donne maintenant accès à des budgets pour réaliser des études de projet, financer la recherche et poursuivre le développement économique dans les secteurs de la transition énergétique.

En soi, c’est une bonne nouvelle. Mais, il y a lieu de s’inquiéter des intentions du gouvernement caquiste et, en particulier, de son super-ministre, Pierre Fitzgibbon.

Les élu.e.s de tous horizons nous répètent ad nauseam vouloir décarboner l’économie. Malgré cette apparence de consensus, il y a deux visions très différentes qui s’opposent.

D’un côté, on souhaite effectuer à la fois une transition énergétique et une transformation économique, c’est-à-dire changer les règles du jeu pour instaurer une économie du bien commun dont l’objectif principal n’est pas la croissance au service des actionnaires. De l’autre, on pense pouvoir se donner les moyens de conserver le modèle actuel sous la dénomination « économie verte ». En fait, j’irais plus loin encore en affirmant qu’on perçoit la transition énergétique comme une opportunité d’affaires.

Selon le premier ministre François Legault, les investissements annoncés pour la filière batterie constituent le début d’un « nouvel âge d’or économique » pour la région. Allant dans le même sens, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a affirmé que « c’est un peu le lancement d’une nouvelle ère dans le développement économique du Québec ».

On comprend bien ici que la priorité de nos élus provinciaux actuels n’est pas la lutte aux changements climatiques.

Plusieurs déclarations faites au cours de la campagne électorale à l’automne témoignent de la priorité accordée à la sacro-sainte croissance et à la création de la richesse. Combien de fois avons-nous entendu le premier ministre affirmer vouloir réduire l’écart de richesse avec l’Ontario; un objectif qui concerne bien peu l’amélioration de la qualité de vie des Québécois.e.s? Malgré tout, les gestes sont encore plus révélateurs.

Le budget 2023 prévoit trop peu d’investissements en transports collectifs. Pour chaque 10$ versés en transport routier, seulement 3$ sont alloués aux transports collectifs. C’est ici que le premier ministre devrait nous comparer avec l’Ontario où les investissements prévus au cours des 10 prochaines années en transport en commun sont plus du double de ceux de l’entretien du réseau routier.

La récente nomination de Michael Sabia, ancien PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec, à la tête d’Hydro-Québec semble confirmer le changement de cap prédit par plusieurs commentateurs politiques au moment du départ de Sophie Brochu. Alors que cette dernière misait davantage sur l’efficacité énergétique, l’éolien et une sélection minutieuse des projets industriels énergivores, Michael Sabia souhaite augmenter l’offre en matière d’énergie. Pour lui, « au 21e siècle, c’est l’électricité propre qui sera le moteur du développement économique ».

L’orientation est claire. On veut concilier l’inconciliable. On veut créer de la richesse tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. On veut produire plus tout en émettant moins. C’est une lubie.

Réussir la lutte aux changements climatiques repose non seulement sur le rejet progressif et rapide des énergies fossiles, mais aussi sur la réduction de notre gourmandise énergétique.

Comprenez-moi bien. Je ne suis pas contre la Vallée de la transition énergétique. Au contraire. Mais, il va falloir se rendre à l’évidence. La transition énergétique n’est qu’une partie de l’équation pour nous assurer un avenir viable. Il faudra accélérer les investissements en efficacité énergétique et appliquer des mesures pour freiner la surconsommation. On ne peut pas simplement changer les ingrédients. Il faut changer la recette.

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