Il n’y a que deux prétendants au titre de Premier ministre du Canada. Non seulement faudra-t-il se faire à l’idée, mais il fôdrwâ aussi se faire à l’oreille.
Hier, le premier ministre Mark Carney a rencontré la Gouverneure Générale pour lui demander de dissoudre le parlement. Nous aurons des élections générales fédérales le 28 avril prochain. La campagne électorale sera très courte. Si le PLC perd, Carney aura officiellement le statut de Premier ministre au règne le plus court et s’il gagne, celui de sauveur du PLC.
Depuis janvier 2025, 338Canada a relevé une bonne soixantaine de sondages réalisés par 13 firmes différentes. Ça sonde en masse et maintenant lancée la campagne, le carottage d’opinion ne va pas ralentir.
Les choses vont plutôt bien pour le PLC
Entre le début de l’année 2025 et le 23 février, aucun sondage ne plaçait les libéraux en avance et, au plus fort de leur domination, les conservateurs devançaient les libéraux par plus de 20 points de pourcentage.
Le temps de le dire, et pour l’éléphant de défoncer le magasin de porcelaine (les relations internationales, c’est fragile), un sondage Ekos a donné le PLC légèrement en avance pour la première fois le 24 février 2025. Et plus les semaines s’écoulaient, plus les sondeurs sortaient des résultats montrant le PCC derrière les libéraux.
Depuis le 15 mars environ, peu importe le sondeur (exception faite d’un Sondage Abacus Data paru il y a quelques jours), c’est au tour des libéraux de dominer la course électorale. Leur avance progresse de plus en plus, atteignant jusqu’à six points de pourcentage dans le cas d’un sondage Ipsos (17 mars), et affichant une moyenne de près de 4 points d’avance pour l’ensemble de tous les sondages depuis la date de l’assermentation de Mark Carney.
Selon les intentions de votes agrégées, les Conservateurs détenaient une avance de 25 points de pourcentage le 5 janvier 2025. Le revirement est spectaculaire et rapide pour une élection générale fédérale. Le PLC a non seulement effectué un rattrapage de 25 points, mais a dépassé le PCC de 2 points, soit un différentiel positif de 27 points pour les libéraux en date du 23 mars 2025. Rappelons que les Conservateurs les dominaient largement depuis l’été 2023.
Quelques enjeux pour cette course électorale
Mark Carney est perçu comme une personne brillante, un économiste hors pair qui a dirigé la Banque d’Angleterre et la Banque du Canada, ce qui est un atout car l’économie est un enjeu primordial dans toutes les élections. Pour l’instant, il affiche une confiance et un calme rassurant, ce qui est aussi primordial, car la question de l’urne sera certainement de savoir lequel, de Poilievre ou Carney, sera la meilleure personne pour tenir tête à Donald Trump.
Mais Carney est le chef du PLC. Les Canadiens voulaient du changement après trois mandats de Justin Trudeau, ce qui a permis à Poilievre de gagner et maintenir une avance considérable sur les libéraux pendant près de deux ans. Et arrive Trump. Tout à coup, l’étalon pour la mesure du changement n’était plus le PLC, mais la résistance à la présidence américaine. Tout à coup, les Canadiens ont commencé à se dire qu’il fallait une vision différente de celle de Trump pour gouverner le Canada. Tout à coup, les Canadiens semblent se convaincre que le changement, c’est de ne plus avoir Justin Trudeau et non pas d’avoir Pierre Poilievre. Tout à coup, les libéraux redeviennent l’option acceptable qui pourrait donner au Canada un gouvernement différent… de celui de nos « amis » du sud.
Un sondage récent de Innovative Research [1] (21 mars) met en évidence une donnée intéressante. À la question de savoir si les répondants croient qu’il est temps pour un changement de gouvernement, 66 % répondent qu’ils sont fortement en accord ou plutôt en accord. Ce résultat détonne avec les intentions de vote qui continuent de favoriser les libéraux, ce qui, à mon avis, indique que la vision de changement a mutée. Alors que ce changement était incarné par le remplacement du PLC par le PCC à la tête du pays, il semble maintenant suffisant d’accepter un remplacement de Justin Trudeau par Mark Carney à la tête du PLC et de conserver ce parti à la tête du pays.
Enjeux classiques
L’économie évidemment. Les mesures tarifaires protectionnistes de l’Administration américaine vont avoir un impact sur l’inflation, les emplois, les taux d’intérêt, les dépenses militaires, les marché boursiers, les échanges commerciaux entre nos deux pays et les autres pays de la planète. À court terme, une récession n’est pas certaine, mais elle est plus probable qu’elle ne l’a été depuis longtemps. À suivre à partir du 2 avril!
Et il y a aussi : la santé (incluant la santé publique), l’éducation, l’environnement, les changements climatiques, l’immigration, …
Poilievre est lui-même un enjeu. On a beau attribuer tous nos malheurs à Trump, il reste que c’est une élection canadienne et non américaine. Trump ne sera pas sur les bulletins de vote et Poilievre va devoir convaincre les électeurs qu’il n’est pas un de ses émules, quoi qu’en dise Danielle Smith, la Première ministre de l’Alberta. Il va devoir montrer qu’il peut lui tenir tête tout en protégeant notre économie, nos valeurs, nos foyers et nos droits!
Trump est aussi un enjeu. C’est probablement ce qu’auront en tête les Canadiens au moment de faire une croix sur leur bulletin de vote. Et les politiciens l’auront aussi en tête pendant toute la campagne car il ne se privera certainement pas de s’y immiscer. Les candidats devront être réactifs et montrer qu’ils ne représentent pas une menace à la solidarité Canadienne qui n’est pas à toute épreuve, une de ces épreuves étant ici aussi Danielle Smith.
Enjeux moins classiques, mais somme toute cruciaux
Les relations commerciales internationales. En finance, la notion de diversification dans les portefeuilles de placements est bien comprise. Pour les relations commerciales internationales, le Canada paie un peu le prix d’une imbrication serrée avec les États-Unis et d’un manque de diversité dans ses partenaires commerciaux. Une des réponses à la crise actuelle est de développer le plus vite possible des relations significatives et stables avec d’autres partenaires, mais cela prend du temps. Trop tard pour se dire qu’il aurait fallu y penser avant, mais pas trop tard pour ne plus refaire la même erreur.
L’information. Les élections américaines de mi-mandat de novembre 2026 sont aussi un enjeu pour nous. Il faut bien paraître auprès de la population américaine et continuer de les informer. La semaine s’est terminée par une campagne publicitaire anti-tarifs (affichage) dans une douzaine d’états républicains pour insister sur le fait que les tarifs sont une taxe pour les Américains. C’est aux Américains qu’il faut dire Axe the [import] Tax!
Le rapprochement des élus canadiens et américains. Il y a une importance stratégique cdertaine à vouloir un gouvernement qui sera capable de discuter avec les élus Américains (représentants, gouverneurs, maires) proches de leurs électeurs. Certains sont capables de faire valoir les intérêts de notre pays tout en faisant valoir les retombées négatives, pour les citoyens Américains, du chaos provoqué par les actions irrationnelles de Trump.
Les élections de mi-mandat. Dans moins de deux ans, ce sera la totalité des sièges à la chambre des représentants qui seront en élection et 35 sièges du Sénat (sur 100). Pour l’instant, les Républicains ont la majorité dans les deux chambres, mais cette majorité est mince. Le mécontentement chez nos amis du sud se voit et s’entend. Il est tout à fait raisonnable d’espérer que l’une des deux chambres, voire les deux, passe aux mains des Démocrates. Le Canada a besoin d’un premier ministre crédible aux yeux des Américains, et visible aussi, pour que son message soit entendu et considéré de l’autre côté de la frontière, telle qu’elle existe aujourd’hui !
Cette semaine dans les sondages
Les conservateurs ont dû redéfinir leur message. Cela ne semble pas aller de soi et les sondages montrent que ce n’est pas une franche réussite. De plus, Carney leur a coupé l’herbe sous le pied avec l’abolition de la taxe carbone pour les particuliers, le renoncement à la modification de la loi de l’impôt sur les gains en capitaux et, pas plus tard que le jour du déclenchement des élections, l’annonce de baisse d’impôts pour la classe moyenne.
Évolution moyenne des intentions de vote – Ensemble du Canada
Avant 2025, la dernière fois qu’un sondage a dévoilé une avance des libéraux dans les intentions de vote, c’était à la fin de mai 2023 (sondage Léger). S’en est suivie une longue, très longue période où le PCC a flotté au-dessus de la mêlée. Jusqu’à ce que Ekos sorte, au début de la dernière semaine de février 2025, des résultats qui faisaient passer le PLC devant le PCC.
Pour ce qui est des résultats agrégés des sondages (338Canada), c’est depuis mars / avril 2022 que la moyenne des sondages a commencé à décoller pour les Conservateurs, continuant de grimper jusqu’à la mi-janvier 2025. Depuis, les Libéraux reprennent rapidement de l’altitude (intentions de vote à 39 %), enlevant des points aux Conservateurs certainement (37 %), mais aussi en grignotant les quelques points qu’a le NPD (à 11 % maintenant à l’échelle nationale alors qu’ils étaient à près de 20 % au début du mois de janvier).
Par province
Du côté; des provinces, il y a beaucoup de mouvement ces dernières semaines. Les variations depuis dimanche dernier continuent d’être largement favorables au PLC et depuis le début du mois de mars, le constat est plutôt inquiétant pour les Conservateurs.
Le PLC est le grand gagnant, au détriment des Conservateurs et du NPD, surtout dans les provinces à l’ouest de l’Ontario. Il faut dire que nombre de Canadiens ont de la difficulté à voir, en Jagmeet Singh, un élu qui pourrait faire bonne figure face à Donal Trump, ce qui sort le NPD de la course. Le parti de Mark Carney a fait des gains significatifs partout à travers le Canada. Tellement que les deux provinces où l’amélioration de son positionnement est la plus faible sont le Québec (plus quatre points) et l’Ontario (plus cinq points).
Projections de sièges
Ultimement, les intentions de votes doivent se traduire en sièges au parlement du Canada. Au début du mois de mars, les projections globales pour le PCC et le PLC étaient de 160 et 139 sièges respectivement, mettant le PCC dans la zone d’un gouvernement majoritaire.
Trois semaines plus tard, l’estimation de 338Canada est de 178 sièges pour les libéraux et de 131 pour les conservateurs. À toutes fins pratiques, 21 jours auront suffi pour un reversement complet dans la course électorale. Rappelons que pour avoir un gouvernement majoritaire, il faut 172 sièges et l’Ontario, avec ses 122 sièges, sera certainement la province qui accaparera le plus les deux principaux partis.
Les sièges du Nunavut, du Yukon et des TNO ne sont pas présentés dans le tableau, ni ceux du Parti Vert et du Parti Populaire du Canda (PPC). Pour TNO et Yukon, le seul siège qui leur revient sera probablement Libéral. Au Nunavut, tant le PLC que le PCC peuvent remporter le siège, les intentions de vote étant à égalité.
Pour ce qui est du PPC, il est probable qu’il ne récolte aucun siège, à la limite un seul. Du côté du Parti Vert, l’histoire n’est pas beaucoup plus compliquée. Deux sièges peuvent être espérés, guère plus : un en Ontario (Kitchener Centre) et le deuxième en Colombie-Britannique (Saanich-Gulf Islands) où la course contre les Conservateurs est toutefois très serrée.