Alex Dorval – Dossier L’Université de demain – septembre 2021

En septembre 2020, le scientifique en chef du Québec Rémi Quirion déposait le rapport sur L’université québécoise du futur, exercice de projection visant à concerter les parties prenantes autour des défis universitaires. Pour faire un tour d’horizon sur ce rapport et ses angles morts, nous nous sommes entretenus avec Olivier Bégin-Caouette, professeur adjoint en enseignement supérieur comparé à l’Université de Montréal et membre du Laboratoire interdisciplinaire de recherche en enseignement supérieur (LIRES).

Université du Québec à Trois-Rivières – Crédits : Dominic Bérubé

Épicentre des avancées sociales, mais aussi sur la ligne de front des débats de société, l’université québécoise a toujours été confrontée à des crises internes qui étaient bien souvent le reflet des enjeux de société. Mais aux yeux de plusieurs observateurs, la pression du marché de l’emploi et les exigences de reddition de compte des politiques des 30 dernières années menaceraient de plus en plus l’autonomie et la liberté des universités et des universitaires.

« À force de prendre du temps pour démontrer la valeur de ce que nous faisons, nous avons moins de temps pour faire ce qui a de la valeur. » – Olivier Bégin-Caouette

Marchandisation du savoir ou reconnaissance ?

Il est de plus en plus fréquent d’entendre parler d’économie du savoir. Mais cette expression empruntée à la langue des affaires ne trahit-elle pas justement une tendance dans notre société à marchandiser le savoir ?

« On est dans une économie et société du savoir. Le monde du travail et de l’économie se sont transformés et les universités en sont venues à occuper un rôle assez important à cet égard. Là où certains ont vu des contraintes, d’autres y ont vu une reconnaissance accrue de ce que pouvaient apporter les universités. Je ne vois pas négativement que des acteurs politiques et économiques aient pu contribuer à l’économie de la société québécoise. Par contre, il ne faut pas que ça se fasse au détriment de la mission. L’université est le dernier endroit où on peut mener de la recherche fondamentale et repousser les frontières du savoir sans nécessairement toujours penser aux retombées immédiates. », explique Olivier Bégin-Caouette.

Si le professeur est d’avis qu’il ne faut pas réduire la contribution sociale des universités à leur contribution économique, il semble tout de même critique face aux politiques de financement des dernières décennies :

« Lorsqu’on parle des exigences des « contrats de performance » et « mandats stratégiques », on ne peut pas nier qu’il y a eu à partir des années 1990, dans la mouvance de la nouvelle gestion publique, une pression gouvernementale qui demandait aux universités d’en faire plus avec moins. L’État essaye d’être efficace, mais le résultat est qu’on a multiplié les mécanismes de reddition de compte. Ce qui coûte très cher en temps et en personnel administratif. »

Bégin-Caouette voit toutefois poindre une lueur d’espoir :

« 30 ans plus tard, on peut voir une sorte de retour du balancier ou de prise de conscience de l’État québécois. On réalise qu’il y a une limite à imposer des redditions excessives et on peut espérer qu’il y aura un certain élagage à ce niveau-là. Il y a d’ailleurs une recommandation du rapport de L’Université québécoise du futur qui va en ce sens. »

Consultez les autres articles et textes d’opinion du dossier L’Université de demain

« Travailler la confiance »

La pandémie de COVID-19 a frappé les universités et le milieu scientifique alors que leurs légitimités faisaient déjà l’objet de vives remises en question. À l’ère des politiques populistes et de la post-vérité, l’Université traverse une double crise, soit une crise financière et une crise de légitimité. Ce constat pousse le professeur à dire qu’il va falloir « travailler la confiance ». Une piste d’action qu’il décline en trois volets : « La confiance des États envers les universités et la confiance entre les universités et leurs professeurs. » Et finalement, « une partie de la population voit les chercheurs comme une élite déconnectée ou au service d’intérêts malveillants, alors le plus gros défi post-pandémie sera de rétablir la confiance des citoyens envers la science, les chercheurs et les universités. »

La recherche et le garde-fou

Mais l’incursion grandissante d’intérêts privés dans les chaires de recherche ne justifie-t-elle pas ce scepticisme, voire ce cynisme de la population envers le discours et les travaux de certain.es chercheur.es ?

« On doit être vigilant », dit le professeur. Mais il se fait toutefois rassurant sur les mécanismes préservant la recherche contre l’influence du secteur privé : « Les universités ont une armée d’avocats qui travaillent à la signature des contrats de financement de recherche. Ça permet à l’institution de se positionner comme garde-fou. Puis les chercheurs se conservent des droits de publication défendus par leurs universités. Et il ne faut pas oublier qu’ils sont évalués par leurs pairs. Mais c’est certain qu’une université qui obtient une part de financement public adéquate ne sera pas à la merci des intérêts privés et va pouvoir négocier plus librement avec ses partenaires. »

Lire la deuxième partie de cet article 

 

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