Photo : Dominic Bérubé

Un texte de Marie-Pier Quessy, intervenante 

Notre société patriarcale et capitaliste semble avoir une obsession pour le corps des femmes, son apparence et son pouvoir de séduction. Dans cette obsession, bien qu’on accorde une importance à l’objet de désir que peut être le corps féminin, on y retrouve une grande part de contrôle. On parle ici tant du contrôle réel comme dans le fait de vouloir interdire l’avortement que de toutes les injonctions sociétales demandant aux femmes d’être belles et séduisantes, mais pas trop. 

En ce sens, vous avez probablement déjà entendu les termes suivants : sexualisation, hypersexualisation, objectification. Avant tout, prenons le temps de les démêler. 

Sexualisation

Selon Usito, le dictionnaire de l’Université de Sherbrooke, ce terme réfère au fait de donner un caractère sexuel à quelqu’un ou quelque chose, comme lorsque des adultes croient que des épaules de jeunes filles doivent être cachées. On pourrait aussi dire que lorsque Léa Clermont-Dion se présente la tête penchée et la bouche ouverte sur une photo professionnelle, que des hommes qualifient de code sexuel, c’est une façon de sexualiser un comportement qui, à la base, n’est qu’une simple posture photographique qui n’a pas été réalisée avec une intention sexuelle. 

Hypersexualisation

Ce terme regroupe plusieurs concepts. En effet, selon le Gouvernement du Québec, l’hypersexualisation fait référence non seulement à la sexualisation de l’espace public, mais également à l’utilisation d’images pornographiques dans les campagnes publicitaires et à la représentation irréaliste et stéréotypée des hommes, mais surtout des femmes. Selon la Dre Stéphanie Léonard, cela renvoie également au fait d’évaluer la valeur d’une personne par son attraction ou ses comportements sexuels plutôt que ses caractéristiques personnelles, et au fait qu’une personne sexy soit perçue comme attirante. C’est donc un phénomène qu’on voit notamment lorsqu’une compagnie publicitaire place une femme dans une position sexualisée pour vendre une paire de souliers. Puis, si on reprend l’exemple de Léa Clermont-Dion mentionné plus haut, l’hypersexualisation a lieu lorsqu’on réduit la valeur de l’autrice à son pouvoir de séduction par le désir que peut susciter sa photo chez certaines personnes, plutôt que de lui reconnaître ses connaissances, ses compétences et la pertinence de ses propos. 

Objectification 

Dans ce cas-ci, l’Office québécois de la langue française mentionne qu’il s’agit de considérer une personne comme un objet en la réduisant à son corps ou à son apparence physique. L’exemple cité précédemment est alors non seulement de l’hypersexualisation, mais aussi de l’objectification. Prenons maintenant l’histoire de Gisèle Pélicot, victime de nombreuses agressions sexuelles orchestrées par son mari, aussi appelée l’Affaire Mazan. Offrir sa femme à qui le veut sans tenir compte de ses désirs à elle ni même de son accord, c’est définitivement la réduire au titre d’objet sexuel. Notons toutefois que le terme « objectification » se prête à d’autres exemples parfois plus subtils comme certaines blagues sexistes. 

L’objectification et la sexualisation sont donc des phénomènes sociaux où le corps féminin est réduit à un objet, souvent à des fins de consommation ou de satisfaction visuelle. Cela déshumanise les femmes en les présentant comme des objets de désir plutôt que comme des individus complets, avec des droits, des émotions et une identité propre. L’hypersexualisation, quant à elle, accentue cette réduction en mettant une emphase exagérée sur l’apparence physique et la séduction, souvent au détriment des autres qualités humaines. Au final, ces dynamiques s’entrecoupent et ont des conséquences similaires; c’est-à-dire qu’elles perpétuent les inégalités de genre, renforcent les stéréotypes et contribuent à la culture du viol en banalisant la violence et les agressions sexuelles envers les femmes. Effectivement, cette idée que les femmes sont toujours trop, mais également jamais assez sexuelles, renforce les stéréotypes de genre et les doubles standards ne faisant qu’augmenter l’écart de pouvoir entre les genres et leur vulnérabilité à subir des agressions. Ces phénomènes excusent trop souvent les paroles, les regards, les attitudes et les gestes à caractère sexuel commis par les personnes qui agressent. C’est notamment le cas lorsqu’on entend des préjugés tels que l’habillement d’une victime qui aurait provoqué un désir incontrôlable chez l’agresseur ou lorsqu’un des agresseurs de Mme Pélicot rapporte qu’il pensait que la victime était soit endormie soit morte, tel un objet dont on profite, afin de justifier ses gestes niant ainsi les viols. 

Bref, alors que d’un côté on juge sévèrement la sexualité des femmes incluant leur potentiel sexuel, la société s’attend également à ce qu’elles endossent des stéréotypes de genre liés à leur apparence. On leur exige le paraître en les empêchant de simplement être. On peut donc dire qu’être une femme dans notre société peut rapidement nous classer dans la catégorie d’objet. 

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