
Divers services publics québécois subissent actuellement des compressions qui vont jusqu’à menacer leur capacité à remplir leur mission. Pour plusieurs analystes politiques, la doctrine gouvernementale semble évidente : appauvrir les différents organismes du secteur public permettra à court terme au secteur privé, qui entretient actuellement des liens étroits avec certains de nos élus, de s’y immiscer. Le discours officiel prétend pour sa part qu’il faut réduire les dépenses pour « assainir » les finances publiques et atteindre le déficit zéro.
Qu’en est-il réellement de la rentabilité de nos principaux services publics?
Santé
Le secteur de la santé publique et préventive illustre parfaitement le non-sens économique des coupes actuellement effectuées. Avec une amputation sans précédent de 33 % de son budget total, qui se traduira principalement par des suppressions de postes, l’État épargnera un peu plus de 23 millions $ par an. Si personne ne nie ces économies à court terme, le calcul à moyen et à long terme est tout autre : les pertes entraînées seront bien supérieures aux économies réalisées, le secteur de la prévention en santé étant reconnu comme rentable pour l’État dans la mesure où il entraîne une réduction nette des dépenses.
Le traitement du cancer est un exemple particulièrement éloquent. Hospitalisations de longue durée, équipements coûteux, coûts des médicaments exorbitants : c’est tout près d’un demi-milliard de dollars par an que l’État québécois investit dans le traitement de la maladie. Pourtant, selon la Société canadienne du cancer, 50 % de ces cancers seraient évitables par la modification de nos habitudes de vie et la mise en œuvre de politiques publiques allant en ce sens. Des responsabilités qui incombent justement au secteur de la santé publique.
Éducation
Dans le domaine de l’éducation, les conséquences du « déficit zéro » se font aussi sentir : Écoles insalubres fermées, aide alimentaire aux enfants réduite, services aux élèves en difficulté coupés, augmentation de la tâche des enseignants sans augmentation de salaire. Ici, à court terme, c’est un peu moins d’un milliard $ qui pourrait être « épargné » chaque année après la réforme.
Les études vont pourtant toutes dans la même direction : l’éducation est un investissement pour l’ensemble de la population et chaque dollar qui y est placé aura un impact positif sur l’économie. Le calcul est simple : un travailleur diplômé gagne et consomme davantage, augmentant à moyen terme les revenus de l’État par le paiement de taxes et d’impôts. La qualité et le niveau d’éducation sont donc directement liés à la progression du PIB. Plus encore, ils sont liés à une meilleure santé et à une baisse de la criminalité, permettant ici des économies à long terme.
Petite enfance
Les récentes compressions dans les Centres de la petite enfance (CPE) visent à aller chercher pour leur part 74 millions $, soit tout près de 4 % de leur budget total. Mais les CPE permettent à la fois d’augmenter le nombre de femmes sur le marché du travail, donc les recettes fiscales, en plus d‘être associés à une réduction des coûts liés à la criminalité et à la pauvreté. À long terme, en effet, les enfants ayant profité de ces services verraient leurs risques de faire une demande d’aide sociale baisser de 85 % et ceux de séjourner en prison de 50 %, tandis que leurs chances de décrocher un diplôme universitaire seraient 4 fois plus élevées. En fait, selon le MSSS, les programmes de développement de la petite enfance seraient même ceux offrant la meilleure rentabilité économique, avec 16 % de « retour sur investissement ».