Durant la seconde moitié du XIXe siècle, le petit centre urbain qu’est Trois-Rivières compte 9 000 habitants. Parmi ces résident-es, on trouve une diversité démographique « quant à l’origine géographique de ses habitants ». En effet, « environ 1 700 sont nés à l’extérieur de la ville, au Québec pour la plupart », alors que quelque 200 personnes proviennent de l’étranger. Dès lors, les Trifluvien-nes francophones cohabitent avec « une centaine d’Irlandais, une soixantaine d’Écossais et d’Anglais et d’une quinzaine de ressortissants américains » et sans oublier des habitants provenant des Premières Nations, comme les Atikamekw. Parallèlement, « les recensements du Canada indiquent la présence d’Autochtones dans [plusieurs] villages de la Mauricie ainsi qu’à Trois-Rivières ». Dans la première décennie du XXe siècle, Trois-Rivières est donc composé d’une mosaïque de petites communautés ethniques et de familles immigrantes d’origines très diversifiées.
Diversité démographique à Trois-Rivières
Au début du XXe siècle, la population francophone domine l’espace urbain et ses institutions. Effectivement, les élites francophones « investissent massivement la vie politique locale et régionale » et l’Église catholique exerce une grande influence, puisque celle-ci regroupe 97 % de la population. Mais qu’en est-il des groupes minoritaires ?
Selon France Normand et Claude Bellavance, les trois principaux groupes minoritaires dont l’origine n’est pas anglaise, et qui sont présents en 1901, sont les Allemand-es (20), les Chinois-es (9) et les Juif-ves (11) sur un total de 89. En 1911, les Syrien-nes (29) s’ajoutent au côté des Chinois-es (17) et des Juif-ves (18) sur un total de 183 personnes provenant de l’étranger. On recense parallèlement d’autres groupes minoritaires à Trois-Rivières. comme les Italien-nes, les Antillais-es et les Norvégien-nes. Je me limiterai donc aux trois principaux groupes recensés en 1911, puisqu’aborder l’ensemble des groupes minoritaires serait un travail colossal.
Les Syrien-nes et les Juif-ves d’Europe de l’Est au début du XXe siècle
Le processus d’immigration pour ces deux groupes s’effectue sensiblement de la même façon, c’est-à-dire par un mode de migration en chaîne. Selon Normand et Bellavance, on observe chez les Syrien-nes et les Juif-ves d’origine roumaine et polonaise, que « [d’abord], l’homme ou le jeune couple (jamais la femme seule) s’établit à demeure et ouvre [un commerce]. Ensuite, après la naissance des premiers enfants, et une fois que le commerce aura suffisamment prospéré pour leur procurer un emploi stable et un logis, les parents sont appelés à les rejoindre. » Dans ces conditions, le nombre de familles augmente graduellement, ce qui permet d’assurer la pérennité de du « réseau familial ». Mais quels métiers ces gens exercent-ils à Trois-Rivières?
Selon le recensement de 1911, les Juif-ves déclarent occuper à leur arrivée des emplois de commerçants, de détaillants, de commis de ventes ou de colporteurs. On observe approximativement les mêmes types d’emploi chez certains ménages syriens.
Outre les Syrien-nes et les Juif-ves, Trois-Rivières accueille également une population chinoise qui s’ajoutera à la mosaïque démographique du début du XXe siècle.
La population chinoise trifluvienne
L’immigration chinoise débute dès la seconde moitié du XIXe siècle au Canada. Les Chinois-es sont attiré-es, entre autres, par la ruée vers l’or dans l’Ouest canadien dès 1858 et par la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique vers 1880. La fin de la construction du chemin de fer dans l’Ouest force alors ces immigrant-es à se chercher des emplois dans les autres provinces canadiennes, dont le Québec.
C’est donc à partir de 1911 que la croissance de la communauté chinoise de Trois-Rivières se fait sentir. Cette population est « omniprésente dans le secteur de la buanderie, [ou] à un emploi lié au nettoyage et au repassage ». En ce sens, on retrouve des buanderies dans l’ensemble des quartiers trifluviens où la demande de services l’exige. Il est à noter qu’en 1923, le gouvernement canadien adopte des lois limitant ou excluant l’immigration chinoise. Dès lors, plusieurs hommes venus travailler sur le chemin de fer seront malheureusement coupés de leur famille.
Conclusion
L’objectif ici n’était pas de brosser un portrait exhaustif de tous les groupes minoritaires de Trois-Rivières au début du XXe siècle, mais plutôt d’y présenter la diversité démographique.
Ces nouveaux arrivants, toutes nationalités confondues, ont travaillé sans relâche afin de vivre une vie décente, et ce, malgré certaines contraintes et l’exclusion de la part de leur société d’accueil et des gouvernements.
Cependant, il me semblait intéressant de présenter ces trois principaux groupes minoritaires qui ont laissé une trace indélébile dans notre histoire et notre mémoire « collective urbaine », puisque, encore aujourd’hui, ils sont bel et bien présents dans notre paysage démographique en plus de l’enrichir, et ce, pour notre plus grand plaisir.