Les changements climatiques ont déjà des répercussions négatives sur la santé et celles-ci vont s’amplifier au cours des prochaines années. « Plus le réchauffement sera important, plus les menaces pour la santé seront grandes », conclut une étude élaborée par plus de 80 experts pour le compte de Santé Canada.
Le rapport d’évaluation scientifique intitulé La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement dévoile des données probantes sur les liens entre les aléas naturels provoqués par le réchauffement climatique et leurs effets sur la santé mentale, sociale et physique de la population. Sans la mise en place « de mesures d’adaptation solides », les changements climatiques mettront les systèmes de santé « à rude épreuve » dans les prochaines années, préviennent les auteurs du rapport.
Des risques et des effets multiples
Les chaleurs extrêmes, les feux de forêt et les inondations qui se sont produits d’un océan à l’autre au cours de la dernière année ont eu des effets dévastateurs sur la santé et la vie de nombreuses personnes. Les canicules augmentent le taux d’hospitalisation pour les problèmes cardiovasculaires et peuvent causer des complications de grossesse. À preuve, un épisode de chaleur extrême en Colombie-Britannique en 2021 a causé la mort de 740 personnes.
Les risques sanitaires liés à la pollution atmosphérique préoccupent également les scientifiques. La sécheresse augmente la poussière fine dans l’air, ce qui nuit aux fonctions cardiovasculaires et respiratoires. En 2017, 2740 décès prématurés ont été attribués à l’exposition aux particules fines provenant des feux de forêt au Canada.
Le réchauffement du climat entraîne par ailleurs une expansion de certaines maladies exotiques, notamment le paludisme, la dengue, le virus Chikungunya, la fièvre jaune, la maladie de Lyme et le virus du Nil occidental. Il a d’ailleurs provoqué une augmentation «spectaculaire» des cas humains de maladie de Lyme entre 2009 et 2017, parce que la tique qui en est porteuse s’est propagée vers le nord, a révélé Éric Lavigne, épidémiologiste à Santé Canada. Des pluies plus abondantes risquent de causer des débordements d’eaux usées, qui peuvent alors contaminer les plans d’eau et faire augmenter les risques sanitaires.
Par ailleurs, le rapport démontre que les effets sur la santé liés aux changements climatiques ne touchent pas tout le monde de manière égale. La santé des aînés, des enfants, des populations racisées, des personnes à faible revenu, des personnes atteintes de problèmes de santé chroniques et des membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis est touchée « de façon disproportionnée » par les changements climatiques.
Un fardeau pour la santé mentale
Les scientifiques s’attendent aussi à ce que les problèmes de santé mentale augmentent. En l’absence d’une meilleure adaptation, « le fardeau actuel de la mauvaise santé mentale au Canada risque de s’intensifier en raison des changements climatiques », souligne le rapport.
Les populations touchées par des inondations, feux de forêt et autres phénomènes météorologiques extrêmes sont susceptibles de vivre du stress post-traumatique ou d’autres facteurs de stress liés à la santé mentale, comme le deuil, l’inquiétude ou l’anxiété.
Les effets des changements climatiques peuvent également susciter des perturbations du bien-être psychosocial ou du sens de la vie, causant « de la détresse, des taux plus élevés d’hospitalisation, une augmentation des idées suicidaires ou du suicide, et de l’abus de substances ».
Les phénomènes d’écoanxiété et d’écodeuil (deuil écologique) sont également bien réels.
La vulnérabilité des systèmes de santé
Le document énumère de nombreux exemples d’événements climatiques extrêmes qui ont forcé les centres de soins de santé et les hôpitaux du Canada à fermer temporairement, à évacuer des patients ou à annuler des interventions.
Par exemple, d’importants feux de forêt en Colombie-Britannique en 2017 ont provoqué la fermeture momentanée de 19 centres ou établissement de soins de santé, l’évacuation de 880 patients et le déplacement de plus de 700 membres du personnel des services de santé.
Or, c’est précisément pendant ces catastrophes que les citoyens ont besoin de services d’urgence, et de telles perturbations des soins de santé peuvent avoir des conséquences graves sur la santé et le bien-être. Les systèmes de santé sont vulnérables et les efforts déployés sont inégaux à travers le pays, relève le rapport. Si rien n’est fait pour améliorer leur résilience, les répercussions iront en s’aggravant.
L’adaptation ne suffit pas
L’adoption de mesures d’adaptation aux conséquences des changements climatiques peut permettre aux systèmes et aux établissements de santé de renforcer leur résilience. Le rapport mentionne d’ailleurs une gamme de mesures d’adaptation qui ont été adoptées par les autorités sanitaires du Québec.
Toutefois, « l’une de nos conclusions majeures est que l’adaptation ne suffit pas », note Éric Lavigne. La réduction des émissions de gaz à effet de serre apporterait « des avantages substantiels et immédiats » en matière de santé. « Une étude montre que la réduction des GES pourrait éviter jusqu’à 6500 décès prématurés au Canada chaque année entre 2030 et 2100 », explique l’épidémiologiste.
Selon les auteurs du rapport, la valeur économique pour la santé de la diminution des GES compenserait les coûts de la mise en œuvre des mesures de réduction. Pour la seule année 2017, le coût des effets de la pollution atmosphérique due aux feux de forêt sur la santé de la population a été évalué à plus de 22 milliards de dollars.
Lors d’une conférence de presse, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a déclaré que le rapport indique très clairement que « le changement climatique n’est pas seulement mauvais pour notre planète et notre environnement, il a des conséquences néfastes sur notre santé ». Le ministre a également souligné que « le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde ».