Alex Dorval – Dossier spécial: Se Refaire une santé – mai 2020
Jusqu’à tout récemment, avant la publication d’une vidéo éducative sur le port du masque le 24 avril dernier, la Direction générale de la santé publique (DGSP) ne recommandait pas à la population le port d’un masque de procédure ni même le port d’un couvre-visage (masque en tissu) pour lutter contre la transmission communautaire de la COVID-19.
Les récentes publications sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec démontrent par ailleurs que les avis des experts peuvent diverger. Qu’est-ce qui explique ce manque de consensus au sein de la communauté scientifique? Comment comprendre la non-recommandation du port du masque et du couvre-visage par la DGSP durant les cinq premières semaines de la crise?
L’épidémie de SRAS en 2003
En 2003, le Canada fut touché par l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), tout comme d’ailleurs la Corée du Sud, Taiwan et Hong Kong. Dans son rapport intitulé Leçons de la crise du SRAS, Santé Canada faisait déjà état en octobre 2003 d’un débat au sein du comité consultatif scientifique : « Une des directives qui a suscité la controverse a été celle qui exigeait le port des masques N95 ayant fait l’objet d’essais d’ajustement. »
Il semble toutefois que les autorités des autres pays touchés par le SRAS en 2003 aient plutôt été d’accord à recommander le port du masque de procédure, plusieurs ayant même fait des réserves pour l’ensemble de la population en prévision d’une éventuelle épidémie.
Dans un article publié sur le site du journal Ricochet, le journaliste André Noël met en lumière le fossé entre les avis sur le port du masque émanant des autorités canadiennes et celles du Dr Kim Woo-Joo, expert sud-coréen du coronavirus. Il affirme que « les pays occidentaux, comme les États-Unis et le Canada, ont commencé par nier l’utilité du port généralisé des masques. Bien à tort, selon le Dr Kim, qui y voit une seule explication : la pénurie pour le personnel soignant ». Comptabilisant 247 décès après 70 jours depuis la détection du premier cas, la Corée du Sud enregistrait le 30 avril sa première journée sans nouveaux cas.
À quelle autorité se fier ?
Selon les informations disponibles sur le site de l’INSPQ, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concluait le 6 avril dernier que le port d’un masque était une des mesures de prévention pouvant limiter la propagation de certaines maladies virales respiratoires, dont la COVID-19.
Sur le même site, on apprend que l’Allemagne et la France demandent le port obligatoire d’un masque « grand public » ou « fait maison ». Il serait également obligatoire en République Tchèque et en Slovénie.
Quant à l’INSPQ, sa position s’exprime en trois recommandations :
- Dans le contexte actuel, le port des masques médicaux doit être réservé aux travailleurs de la santé et aux autres personnes fournissant des soins directs aux patients infectés par la COVID-19;
- Même s’il n’y a pas de données probantes qui prouvent que le port d’un couvre-visage (masque non médical, par exemple un masque en tissu artisanal) dans la communauté protège efficacement la personne qui le porte, il pourrait être porté dans les lieux publics où il est difficile d’éviter des contacts étroits avec les autres;
- La personne qui porte ce type de couvre-visage doit ;
- l’ajuster pour qu’il soit bien collé à son visage;
- éviter de toucher au masque une fois en place;
- éviter de toucher ou de se frotter les yeux;
- changer de masque dès qu’il est humide ou souillé;
- se laver les mains avant et après sa mise en place;
- éviter de le partager avec d’autres;
- le jeter ou le nettoyer (si réutilisable) après chaque utilisation;
- continuer à pratiquer l’éloignement physique (distanciation sociale).
Les communications en temps de crise
Aux États-Unis, les communications publiques des autorités démontraient une ambigüité similaire, selon la Dre Zeynep Tufekci, professeure en sciences de l’information à Harvard. Pour elle, il est évident que la recommandation du port du masque aurait dû d’emblée être plus claire. « Pour éviter une pénurie, les autorités ont envoyé un message qui les a rendues indignes de confiance », écrit-elle [traduction].
Consultez les autres articles du dossier : Se refaire une santé
Sources :
Article du New York Times: https://www.nytimes.com/2020/03/17/opinion/coronavirus-face-masks.html
Fiche informative sur le masque N95 : https://www.cisss-bsl.gouv.qc.ca/sites/default/files/fichier/ce_quil_faut_savoir_n-95.pdf
Leçons crise du SRAS 2003 (2D.2 Comité consultatif scientifique, p.30) + (4E.3 Une stratégie nationale en santé publique, p.83) + p. 102 (commentaires sur l’importance des réserves): https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/reports-publications/learning-sars-renewal-public-health-canada/lecons-crise-sras-f.pdf
Recommandations de l’INSPQ, 2006: https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/688-MesureGenSantePub.pdf
https://www.inspq.qc.ca/publications/2973-port-masque-proteger-personnes-vulnerables-covid19
https://www.inspq.qc.ca/publications/2990-port-visiere-couvre-visage-travailleurs-covid19
https://www.inspq.qc.ca/publications/2972-couvre-visage-population-covid19
https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/covid/2972-couvre-visage-population-annexe2B-covid19.pdf
Article du journal Le Ricochet: https://ricochet.media/fr/3051/la-scandaleuse-impreparation-du-canada
Autres lectures:
Article du Pharmachien: http://lepharmachien.com/masques/