Jean-François Veilleux, avril 2019
Avec ses bocages, ses bosquets, ses étangs et ses sentiers aménagés, la villa Mon Repos a transformé il y a un siècle les habitudes de vie des Trifluviens en matière de loisirs.
Ce lieu de villégiature destiné à la bourgeoisie trifluvienne a été fondé en 1895 sur des terres louées à Joseph Panneton. Il était situé au bord d’un lac artificiel créé au moyen d’un petit barrage, dont les vestiges sont toujours visibles, sur la discrète rivière Milette (appelée rivière Sainte-Marguerite à l’époque). On construisit sur le site une quinzaine de chalets, un pont suspendu et un kiosque pour des concerts musicaux.
À sa fondation, la villa se veut la plus importante station estivale (summer resort) du Canada, dont la mission est « la récréation, l’instruction pour l’esprit et le délassement pour le corps ». Ce domaine privé d’une superficie de 15 arpents, offrant un paysage enchanteur, se trouvait entre le boulevard des Chenaux et le boulevard des Récollets, juste à l’est de la côte Rosemont.
Sur cette image, on peut voir une partie de la villa et la nature qui l’entoure – un magnifique boisé de pins, de mélèzes et de bouleaux. Cette représentation datant environ de 1900 est tirée de l’une des diverses cartes postales du célèbre photographe-éditeur trifluvien Pierre‑Fortunat Pinsonneault (1864-1938), qui va immortaliser le site paradisiaque à plusieurs occasions.
Le Cercle Villa Mon Repos regroupait une quarantaine de personnes fortunées de Trois-Rivières, surtout des professionnels, des commerçants et des propriétaires d’hôtels de luxe, qui se connaissaient et se fréquentaient. Par exemple, la famille Dufresne – propriétaire du majestueux hôtel Dufresne sur la rue du Fleuve, qui disparut dans l’incendie de juin 1908 – occupait la moitié des postes du conseil d’administration. Parmi les autres membres du cercle, mentionnons Onésime Beaulac, Charles Gauthier, les avocats Joseph‑Adolphe Tessier et Narcisse Grenier, le comptable Arthur Nobert, le docteur Charles‑Philippe Normand et le marchand Arthur Parent.
Réservé au départ à l’élite, à leurs amis et à leurs familles, le site sera occasionnellement loué à d’autres groupes sociaux de la région. Par exemple, entre 1920 et 1923, les Chevaliers de Colomb y organisent un pique-nique et le club Rotary y tient une journée champêtre pour 150 orphelins et orphelines. Au grand dam des propriétaires, certains citoyens vont pique-niquer sans autorisation sur les terrains de la villa, ce qui pousse le cercle à publier dans Le Trifluvien que toute présence « sans être muni d’un permis est passible d’une amende » !
À la suite de difficultés financières au début des années 1920, et après la dissolution officielle du cercle et sa liquidation en avril 1932, le site fut graduellement abandonné. Le restant des actifs fut cédé (vendu) aux Filles de Jésus le 12 mars 1936. Depuis 1962, c’est l’institut secondaire Keranna qui en occupe la plus grande partie.
***Une première version de ce texte a été publiée dans le tout récent ouvrage collectif Trois-Rivières, son histoire en photos : 1865-2018, Éditions Histoire Québec, 2019.
Sources principales :
Daniel ROBERT (dir). Patrimoine trifluvien, bulletin annuel de Patrimoine Trois-Rivières, Société de conservation et d’animation du patrimoine de Trois-Rivières – SCAP, no 6 – « Les parcs et les lieux publics de Trois-Rivières, XVIIe-XXe siècles », mai 1996, 20 pages. Le numéro est disponible en ligne : http://patrimoinetroisrivieres.ca/wp-content/uploads/2016/02/PatTri_No06_mai1996.pdf`
Jacques BERTRAND. Villa mon repos 1895-1932 : http://public.sogetel.net/ninibe/photos-23/files/page24-1004-full.html
http://mgroleau.com/troisrivieres/lieux_speciaux/villa_mon_repos.html
http://mauricie.cieq.ca/icono_explorer.php
https://www.lenouvelliste.ca/archives/keranna-celebre-ses-50-ans-68ad60776ade6d74c4048869c483fa33