Au Québec, la culture devient très tôt au cœur de la question nationale, tout comme celle de la préservation des archives et du patrimoine de la nation québécoise afin d’assurer son avenir. Au début du XXe siècle, une personne en particulier joue un rôle central dans le développement des institutions culturelles au Québec : Athanase David (1882-1953).
Ministre responsable du secrétariat de la Province entre 1919 et 1936 dans le gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau, Athanase David est celui que l’on appelle alors familièrement « le ministre des Beaux-arts ». Il est un précurseur des politiques culturelles qui sont mises en place lors de la Révolution tranquille, entre 1960 et 1970.
Parmi les acquis institutionnels d’importance en matière de culture qu’on lui doit, on peut penser à « l’intensification des relations culturelles entre le Canada français et la France, à la bonification des Bourses d’Europe pour les étudiants, à la création des Écoles des beaux-arts de Québec [en 1922] et de Montréal [en 1923], ou encore à la mise sur pied de la Commission des monuments historiques [en 1922]. […] Jamais l’État québécois n’était autant intervenu dans le domaine de la culture. » [1]
Le ministre David semble adhérer à l’idée que « la formation d’une élite économique appelle, en complément, celle d’une élite culturelle et artistique ». [2] Pour lui, chaque peuple a le devoir de se faire une place dans le monde et, grâce à l’art et aux œuvres durables, c’est l’intervention de l’État qui permet un développement culturel chez les peuples peu fortunés, tels que les Canadiens français (Québécois), par la conservation du patrimoine matériel, ce qu’il nomme « les reliques du passé », qui contribuent à conserver intacte la mémoire des ancêtres et leurs réalisations. [3]
L’adoption, le 7 mars 1922, de la Loi pour la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique ou artistique – elle-même inspirée de la loi française sur le patrimoine (1913) et de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (1919) – a pour but de permettre de « classer nos objets ayant un intérêt historique ou artistique et de protéger toujours ces richesses de notre patrimoine national ». [4]
Non seulement on souhaite que l’État fasse l’inventaire minutieux des richesses historiques et artistiques québécoises, mais la fondation de musées et l’acquisition de monuments et d’artefacts représentent également un idéal. Soucieux de préserver l’héritage culturel, tel un legs au patrimoine mondial, Athanase David croit sincèrement que « l’artiste comme l’historien est un façonneur d’avenir en ce qu’il offre aux générations qu’il précède le reflet sensible de son époque ». [5]
Aussi, c’est à lui qu’on doit le Service des archives provinciales, la création en 1922 du Prix David en art et en littérature (l’ancêtre des Prix culturels du Québec), la construction et l’ouverture à Québec, en 1933, du Musée de la province, alors dirigé par Pierre-Georges Roy (1870-1953), nommé « archiviste du gouvernement de la province de Québec » le 2 septembre 1920, ainsi que le soutien financier du secrétariat de la Province à différentes institutions dans le domaine culturel. Même si Athanase David a le désir de créer un Conservatoire national de musique pour le Québec, ce rêve ne devient réalité qu’en 1942, sous le gouvernement d’Adélard Godbout, avec la collaboration d’Hector Perrier, successeur de David au poste de secrétaire de la Province. Néanmoins, il est très impliqué sur le plan de la musique. Dès 1934, il devient président d’honneur de la Société des concerts symphoniques de Montréal qui deviendra, par la suite, l’Orchestre symphonique de Montréal. Avec son épouse Antonia Nantel, il joue aussi un rôle important dans la création de cet orchestre qui donne son premier concert à l’Auditorium du Plateau [6] le 14 janvier 1935.
En résumé, Athanase David doit être considéré, selon l’historien et sociologue Fernand Harvey, comme un « véritable ministre de la Culture avant la lettre ». [7] Il joue un rôle très important sur le plan historique dans ce domaine au Québec, tant et si bien qu’on peut parler d’un « avant » et d’un « après » David.