Par Magali Boisvert, juin 2018
La sociolinguistique (le domaine de la linguistique qui traite des relations entre langage, culture et société) est un domaine (une science, même ?) qui me fascine depuis que j’y ai été introduite à l’université. Je me suis dès lors jetée dans la marmite de la sociolinguistique (et j’y nage avec bonheur depuis). Cette relation entre la langue et la place qu’elle occupe dans une société me captive. Et au Québec, cette relation est très particulière.
C’est cette relation difficile qui relie la langue française et ses locuteurs qui intéresse la linguiste Anne-Marie Beaudoin-Bégin, connue comme « L’insolente linguiste » sur les réseaux sociaux. Dans son premier essai, intitulé La langue rapaillée : combattre l’insécurité linguistique des Québécois, que j’ai dévoré d’une traite, cette amoureuse de la variante québécoise vulgarise à merveille des concepts complexes.
Qu’est-ce que l’insécurité linguistique ? En bref, c’est le fait pour des locuteurs d’une langue de dénigrer leur propre façon de parler car elle ne leur semble pas conforme à la variante dominante (ainsi, les Québécois sont gênés d’avoir un vocabulaire québécois lorsqu’ils discutent avec un Français, qui, lui, est considéré comme un locuteur du «vrai » français). Mme Beaudoin-Bégin réussit avec brio à expliquer et décortiquer ce concept grâce à de nombreuses analogies savoureuses.
Par exemple, pour expliquer la notion de contexte, elle écrit qu’on sait tous que certains mots ne conviennent pas à certaines situations (on ne dirait pas le mot «char» en entrevue professionnelle, par exemple). Elle illustre ensuite ce phénomène en avançant que, pareillement, on ne verrait pas Céline Galipeau lire le bulletin de nouvelles en robe de chambre; ce n’est pas la robe de chambre qui est inappropriée en soi, mais bien son utilisation dans ce contexte. D’ailleurs, elle porte bien son sobriquet d’insolente linguiste lorsqu’elle pique Guy Bertrand et ses fameuses capsules linguistiques à Radio-Canada ! La lecture de ces passages provocants m’a tiré plus d’un sourire.
Si vous craignez de vous perdre dans cet essai du fait que vous n’avez pas de connaissances préalables en linguistique, n’ayez crainte. L’auteure sait avec brio vulgariser, informer et faire rire tout à la fois. C’est un coup de cœur pour moi et j’attends avec impatience la lecture de son deuxième «tome», sur lequel je n’ai pas encore posé la patte.