Luc Massicotte – Éditorial – décembre 2021
La participation famélique aux dernières élections municipales inquiète. Faut-il des pompiers pour sauver la démocratie du péril ? Les pyromanes seraient peut-être plus utiles cette fois.
À Trois-Rivières, 36,2 % des électeurs inscrits se sont présentés aux urnes, 41,6 % à Shawinigan, 39,8 % pour l’ensemble de la Mauricie. Le taux de participation pour l’ensemble du Québec fut de 38,7 %, une chute par rapport à l’élection précédente qui était de 44,8 % en 2017.
La participation électorale est trop faible. Objectivement.
Malgré tout, il n’y a pas péril en la demeure. Pas du tout.
La démocratie n’a pas besoin d’être sauvée. Nous pouvons collectivement nous vanter d’avoir des élections propres, justes et accessibles. L’exercice du vote est facile. Il n’existe aucun frein ni aucune barrière pour voter. Lors de la dernière élection, les citoyens ont eu plusieurs jours pour voter (6 jours à Trois-Rivières), en plus du vote par la poste. Des sites web, des brochures, et des campagnes de publicité des villes et d’Élections Québec ont été déployés. Les structures et les institutions sont solides. Il y a encore de nombreuses personnes pertinentes, issues de nos communautés, qui se sont portées volontaires pour assumer les fonctions d’élus. Ces facteurs rendent l’absence des électeurs aux urnes d’autant plus étonnante.
La dernière élection a évidemment souffert d’une certaine apathie postpandémie et elle s’est tenue quelques semaines seulement après une campagne électorale fédérale. Mais ces seules explications seraient trop minces pour justifier le faible taux de participation. Les facteurs influençant la participation électorale sont nombreux et très bien documentés par la science politique, mais ils ne se traduisent pas facilement en solutions concrètes. La scolarité des électeurs, la consommation de médias d’information, la confiance envers sa communauté, l’impression d’être compétent pour se prononcer et bien d’autres facteurs influencent la participation électorale.
Devant les faibles taux de participation, on peut se demander « on fait quoi maintenant » ? Agir sur les déterminants de la participation électorale évoqués exige du temps. Mais à très court terme, la balle doit inévitablement se retrouver dans le camp des acteurs de la politique, élu.es et candidat.es. Les acteurs de la politique ont l’occasion d’enflammer l’intérêt des citoyen.nes pour la politique municipale.
L’un des aspects les plus déterminants de la participation électorale réside dans l’impression de se sentir concerné. Les propriétaires de leur habitation votent davantage que les locataires par exemple, préoccupés notamment par les taxes. Les enjeux discutés durant la campagne électorale sont capitaux pour mobiliser l’électeur aux urnes. Le cas de Trois-Rivières est particulièrement probant à cet effet. L’enthousiasme des électeurs a fait défaut quant aux enjeux discutés par les candidats. La campagne n’a jamais vraiment levé. Les propositions mises aux voix par le biais de l’élection n’ont pas trouvé écho chez les électeurs. Sur « le terrain » plusieurs citoyens avaient de la difficulté à saisir ce qui différenciait les candidats à la mairie. Dans ce contexte, il faut une sacrée motivation pour prendre une pause du ménage de ses gouttières pour aller voter si on ignore l’impact de son vote. Shawinigan, avec une campagne plus robuste, a fait bien meilleure figure en matière de participation électorale.
Bien sûr, les électeurs ont le devoir de s’intéresser aux enjeux de leur communauté et de poser un geste facile et simple, celui de voter. Nous sommes les gardiens d’une démocratie plus que jamais nécessaire et ne pas aller voter affaiblit ce système politique. Néanmoins, il faut partager cette responsabilité avec les acteurs du politique, les candidat.es et les élu.es, qui portent aussi une responsabilité, celle de mobiliser les électeurs et d’être en phase avec leurs préoccupations.
La démocratie municipale n’a pas besoin d’être sauvée, elle ne demande qu’à s’enflammer. Ce sera possible avec des candidat.es qui abordent avec authenticité des enjeux importants pour les gens. Il incombe d’abord aux candidat.es d’animer les campagnes, de susciter l’intérêt par des propositions honnêtes, audacieuses et qui résonnent chez les électeurs. La simple compétition électorale ne suffira pas. Il importe aux acteurs politiques de trouver des manières de générer de la confiance envers le système et d’ancrer les débats loin, très loin de la polarisation ambiante.
Les acteurs de la politique sont les bougies d’allumage pour des communautés politiques qui se sentent concernées.
Je ne suis pas du tout inquiet par le faible taux de participation. Parce que nous sommes encore nombreux à nous sentir concernés. Le feu prendra si nous soufflons sur les braises.
Taux de participation aux élections municipales générales de 2013, 2017 et 2021
Ville | Élection 2013 | Élection 2017 | Élection 2021 |
Trois-Rivières | 57,2 % | 48.6 % | 36,2 % |
Shawinigan | 48,3 % | 47.1 % | 41,6 % |