Photo : Dominic Bérubé

L’idée selon laquelle le brocoli serait un aliment mal-aimé est un lieu commun. Or, nous n’irions pas pour autant jusqu’à affirmer d’emblée que la haine des légumes est un fait généralisé dans notre société ! Comme le titre de cette chronique annonce qu’il sera question d’écriture inclusive, vous pensez possiblement que je suis dans les patates avec mes brocolis. C’est qu’à l’instar des brocolis, l’écriture inclusive – que vous trouvez d’ailleurs en ces pages – suscite à l’occasion de vives réactions allant d’une grimace à une chronique sur le sujet en passant par une envolée rhétorique pendant un repas entre proches. Mais ces personnes réagissent-elles vraiment à l’écriture inclusive ? Est-il question de brocolis ou plus généralement de légumes ?

Qu’est-ce que l’écriture inclusive, vraiment ?

Ce type de rédaction comprend une multitude de pratiques qui visent à rendre visible tout le monde. L’une d’entre elles – la moins intrusive et la plus inclusive – est l’écriture épicène, qui vise à rédiger sans opposer le masculin et le féminin lorsqu’il est question d’un groupe de personnes ou d’une personne dont le genre est inconnu. Cela peut passer notamment par le recours à des noms et adjectifs épicènes (identiques au féminin comme au masculin, par exemple, membre, agréable), à des noms collectifs (foule, groupe, communauté) et à des noms neutres (lectorat, présidence) ou encore par des reformulations plus neutres. Si ces stratégies passent assez souvent inaperçues, elles impliquent néanmoins un effort lors de la rédaction (comme ici où je n’ai pas écrit « un effort de la rédactrice ou du rédacteur »).

Les procédés de féminisation, pour leur part, sont plus visibles. Ce procédé se manifeste notamment par des doublets, qu’ils soient de forme longue (les lecteurs et lectrices) ou abrégée (les lecteur-trices). Bien que plusieurs guides existent, aucune norme officielle ne dicte la façon de les utiliser. Vous les avez donc peut-être déjà croisés également des formulations qui utilisent un point ou un point médian – voire deux – (les étudiant.es, les Trifluvien·ne·s) ou encore des parenthèses [les employé(e)s]. Ce sont précisément ces doublets qui se trouvent souvent pointés du doigt et qui poussent des personnes à dire qu’elles n’aiment pas l’écriture inclusive, voire carrément qu’elles sont contre.

Revenons-en à nos brocolis. L’écriture inclusive, que nous comparerons aux légumes pour les besoins de la cause, est un ensemble constitué de plusieurs pratiques rédactionnelles. Parmi ces différentes pratiques – les différents légumes – se trouvent les doublets, nos mal-aimés brocolis. Adulte, on ne vous forcera pas à manger vos brocolis, tout comme on ne vous obligera pas à apprécier les doublets. Il est toutefois possible que vous deviez cuisiner des brocolis pour d’autres bouches que la vôtre, tout comme il est possible qu’on vous demande d’adopter l’écriture inclusive dans le cadre de votre emploi. Après, libre à vous de choisir un mets qui ne contient pas de brocoli si vous allez au restaurant, mais laissez Pierre, Jeanine et Jacques manger ce qu’elle et ils veulent ! Restaurants et épiceries n’arrêteront pas de les offrir pour vous faire plaisir !

Ce que dit la recherche

Il n’y a pas de consensus chez les linguistes à propos de l’écriture inclusive. Les clans pour et contre se sont d’ailleurs affrontés dans des lettres ouvertes publiées dans les médias. En entrevue avec Radio-Canada, Pascal Gygax, psycholinguiste à l’Université de Fribourg, avançait que « [l]es études montrent toutes que le masculin active dans le cerveau “hommes” de manière prioritaire et dominante ».

Autrement dit, bien que l’on sache que le masculin est souvent utilisé de façon générique en français, la représentation mentale que l’on s’en fera sera souvent masculine. Selon Alexandra Dupuy, spécialiste de la communication inclusive et doctorante en sociolinguistique à l’Université de Montréal, cette représentation, qui peut être qualifiée d’androcentrique – centrée sur les hommes –, peut, entre autres, influencer les femmes dans les choix qu’elles feront quant à leur carrière ou à leur milieu d’emploi.

Les langues en usage sont vivantes et, même si les puristes aimeraient les figer dans les dictionnaires et les grammaires. Elles évoluent au gré des personnes qui les utilisent.

« Oui, mais c’est illisible ! Les synthèses vocales pour personnes en situation de handicap n’arrivent [les aveugles, par exemple] pas à lire ! » Les membres du Réseau d’Études HandiFéministes ont publié un billet pour dénoncer le fait que des personnes sans handicap parlent en leur nom pour se positionner contre l’écriture inclusive. 

Alors, de grâce, la prochaine fois que vous rencontrerez ces tirets ou ces points médians, prenez un pas de recul, une grande respiration, et ne sortez pas vos pancartes et vos slogans de manifestation dans l’allée des légumes de votre épicerie !

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