Les femmes ne sont pas toutes égales

L’égalité entre les femmes et les hommes est un combat de longue haleine, mais au sein même du groupe des femmes, des inégalités persistantes sont trop souvent passées sous silence. Les femmes sont loin d’être un bloc homogène, puisqu’on y observe des écarts profonds notamment liés à l’origine, au statut socioéconomique, au fait d’avoir ou pas des enfants et à l’âge. Ces réalités influencent l’accès aux ressources, aux occasions d’emplois et même à la reconnaissance sociale. Alors que l’on célèbre les progrès accomplis en matière de droits des femmes durant le mois de mars, il est essentiel d’admettre que toutes n’en ont pas bénéficié de la même manière. Derrière le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes se cache une autre réalité, soit celle des inégalités entre les femmes elles-mêmes.

La sphère du travail 

L’idée que toutes les femmes sont sur un pied d’égalité est un mythe. Les discriminations ne frappent pas avec la même intensité selon le milieu d’origine, le parcours de vie ou les privilèges sociaux. Par exemple, si les femmes ont aujourd’hui un meilleur accès aux études supérieures, cela ne signifie pas que toutes ont les mêmes chances d’accéder à des emplois valorisés et bien rémunérés. Les femmes racisées et autochtones, pour ne nommer que celles-là, restent plus nombreuses dans les emplois précaires et sous-payés​. 

Selon des données de la Vitrine statistique sur l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’Institut de la statistique du Québec, la rémunération hebdomadaire moyenne de la population québécoise était de 1 152 $ en 2023. Cependant, lorsqu’on creuse un peu, on se rend compte que celle des hommes était de 1 259 $ et celle des femmes de 1 038 $. Si l’on pousse encore un peu plus la recherche, on découvre que celle des femmes immigrantes était de 990,66 $ et celle des femmes issues de minorités visibles de 916 $. Il faut donc garder un œil critique lorsqu’on parle de moyennes puisque ces chiffres ne représentent souvent pas la réalité des femmes, et encore moins de celles de groupes marginalisés. La sphère du travail est donc encore marquée par de grandes inégalités. Alors que certaines militent pour briser le plafond de verre dans les hautes sphères du pouvoir, d’autres se battent simplement pour obtenir des conditions de travail dignes et un salaire décent.

La maternité

La maternité constitue un autre facteur majeur d’inégalité entre les femmes. Il est bien connu que les mères subissent une pénalité sur le marché du travail. Non seulement elles sont plus susceptibles de réduire leur temps de travail, mais elles ont aussi moins accès aux promotions et aux postes de direction. En revanche, les femmes sans enfants poursuivent souvent leur carrière sans interruption, ce qui crée un décalage professionnel entre elles et les mères​. Cet écart, surnommé « mommy gap », est parfois moins abordé dans les débats sur l’égalité, alors qu’il façonne pourtant profondément les parcours de plusieurs femmes. Cependant, il suffit d’une simple recherche sur le web pour trouver une multitude de trucs afin de bien présenter son absence du marché du travail lors d’une entrevue d’embauche, comme si le congé (ou le travail !) de maternité devait être justifié. 

Un féminisme à plusieurs vitesses

Face à ces réalités, il est clair que le féminisme ne peut pas être envisagé comme un mouvement uniforme. Pendant longtemps, les luttes féministes ont été dominées par les revendications des femmes blanches, éduquées et de la classe moyenne. Mais d’autres voix se sont élevées pour rappeler que toutes les femmes ne partagent pas les mêmes expériences et que l’égalité doit être pensée de manière inclusive. Les féminismes autochtones, noirs ou lesbiens insistent sur le fait que les oppressions ne s’additionnent pas simplement, mais qu’elles interagissent et se renforcent de manière unique selon les contextes. Un féminisme qui ne tiendrait pas compte de ces inégalités risquerait de reproduire les schémas d’exclusion qu’il prétend combattre. 

Il est donc important de ne pas considérer les progrès réalisés pour certaines comme un reflet d’une avancée générale. L’accès à des postes de pouvoir pour une minorité de femmes ne signifie pas que toutes ont désormais les mêmes chances. Une véritable égalité passe par une prise de conscience des écarts persistants et par la mise en place de politiques qui bénéficient aux femmes les plus marginalisées. Enfin, la solidarité entre femmes doit aller au-delà des discours. Il ne suffit pas de prôner la sororité, encore faut-il qu’elle soit appliquée dans les faits. Les femmes qui bénéficient de privilèges ont une responsabilité. Elles doivent amplifier la voix de celles qui, encore aujourd’hui, luttent pour des droits fondamentaux. Tant que l’égalité restera un privilège réservé à certaines, elle ne pourra être considérée comme acquise. Car au fond, qu’est-ce qu’une victoire féministe si elle ne profite qu’à une minorité ?