Par Audrey Martel, Libraire et co-propriétaire Libraire L’Exèdre, janvier 2017
Un présent infini, Rafaële Germain, Atelier 10
Rafaële Germain livre ici une réflexion à la fois touchante et pertinente sur la mémoire collective et intime.
George-Hébert Germain, père de l’auteure et journaliste passionné d’histoire, a succombé l’an dernier à un cancer du cerveau qui a eu un effet dévastateur sur sa mémoire dans les deux années précédant son décès. S’adressant régulièrement à un « tu » qui renvoie à son père, Rafaële Germain poursuit d’une certaine façon les longues discussions qu’elle entretenait avec lui. Ce tutoiement contribue également à rendre le texte plus près du témoignage que de l’essai.
Le titre « Un présent infini » est tiré du livre « Les années » d’Annie Ernaux. Ce concept de présent infini illustre bien la réalité des ordinateurs qui pallient la mémoire humaine, faisant en sorte que plus rien n’est oublié collectivement, tandis que nous peinons maintenant à retenir un simple numéro de téléphone. De la même façon, nous avons désormais l’impression que pour immortaliser un moment précieux (voire banal), il nous faut le partager sur les médias sociaux.
Voilà une partie de la réflexion de Rafaële Germain, qui fait également intervenir dans cet essai auteurs et experts ayant eux aussi réfléchi à la question. L’ensemble constitue une observation juste et nuancée, dans la lignée des autres courts textes de la collection Documents d’Atelier 10, des essais écrits « dans l’urgence de dire les choses ».
En route vers toi, Sara Lövestam, éditions Actes Sud
Un matin bien ordinaire, quatre objets antiques atterrissent de façon saugrenue dans la vie de Hanna, une jeune trentenaire désabusée. Dès le moment où elle enfile cette vieille paire de bottines qui semble dater du début du siècle dernier, Hanna a l’impression de posséder une force nouvelle qui lui permet de tenir tête à sa mère et son copain. Outre les bottines, elle a également en sa possession une paire de lunettes tordue, une affreuse broche et une vieille règle d’écolier. Curieuse d’en apprendre plus sur ces objets, elle s’associe à un antiquaire octogénaire, une amie de longue date et une adorable vieille dame afin de retracer la vie de la première propriétaire de ceux-ci.
En parallèle, le lecteur découvre la vie de Signe, une maîtresse d’école militante pour le droit de vote des femmes suédoises au début du 20e siècle. L’histoire d’amour déchirante entre Signe et une charismatique suffragette sera déterminante pour la jeune maîtresse d’école. Évidemment, l’histoire toute contemporaine d’Hanna finira par rejoindre celle de Signe, nous offrant une belle leçon d’Histoire et de résilience. Les thèmes de l’amour homosexuel et du féminisme dans la Suède de 1906 représentent des éléments hors du commun qui contribuent à rendre ce roman original et addictif. Un bon moment de lecture!