Complices dans la vie, Lucie Joubert et Marcel Olscamp ont aussi consacré leurs carrières respectives à la mise en valeur du l’héritage littéraire québécois. Ensemble, ils ont contribué notamment à faire connaître les contributions épistolaires de la fratrie Ferron (Marcelle, artiste visuelle, ainsi que Madeleine et Jacques, auteur-es). Chacun-e de leur côté, ces infatigables ouvrier-ères de la valorisation des archives ont permis de faire découvrir des éléments importants mais moins connus de notre culture.  

La Gazette a recueilli leurs propos sur l’histoire et l’avenir des lettres québécoises dans une série de deux articles, dont voici le premier

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Trifluvienne d’origine, Lucie Joubert a étudié à l’UQTR et formé des cohortes de passionné-es de littérature québécoise, d’abord à l’UQTR et à l’Université McGill, comme chargée de cours, et ensuite à  l’Université Queen’s (Kingston) et à l’Université d’Ottawa comme professeure titulaire. Spécialiste de la littérature québécoise au féminin, elle a publié l’essai L’envers du landau et travaillé sur la question de l’humour et de l’ironie des femmes, thèmes auxquels elle a consacré plusieurs essais. Elle est directrice de l’Observatoire de l’humour, un lieu d’échange entre professionnel-les et chercheur-euses fondé en 2011 par Louise Richer et Robert Aird, et dirige la collection « Humour » aux éditions Somme toute. 

Maintenant retraitée, elle travaille avec son conjoint Marcel Olscamp à l’édition de la correspondance entre Jacques Ferron et Jean Marcel ; elle termine également, avec des collègues, la préparation d’une anthologie de l’humour des femmes et s’emploie à éditer des essais qui abordent des aspects insoupçonnés de l’humour.

La Gazette – Vous avez consacré votre carrière à faire connaître la littérature québécoise au féminin, dont la contribution a longtemps été minorisée. Vous avez notamment travaillé à montrer que l’ironie et l’humour des femmes constituaient des manifestations de résistance aux différentes formes de pouvoir dans la société. Nous constatons une prise de parole croissante de la part de jeunes autrices. Comment accueillez-vous ces nouvelles voix ? 

Lucie Joubert – Je les découvre avec beaucoup d’intérêt grâce, en partie, à mon Roméo qui a la bonne idée de m’offrir des romans de « filles » à la Saint-Valentin plutôt que des fleurs. C’est un rituel que j’adore puisque je lis ces nouveautés en temps réel, si je puis dire.  J’y vois presque exclusivement des romans au « je », ce qui indique une volonté intéressante d’affirmer son identité, même dans une fiction. J’attends ensuite avec curiosité le deuxième ouvrage de ces voix jeunes (pas nécessairement en termes d’âge) parce que c’est à ce moment, à mon sens, que les auteures confirment leur imaginaire. C’est intéressant de mesurer la différence des univers par rapport, disons, aux écrivaines des années 1960 et 1980. Les figures féminines sont fortes, souvent très assumées sexuellement, mais en même temps toujours en quête d’un idéal inaccessible ou en proie à un mal-être insondable. Il y a encore beaucoup de Bérénice et de Pénélope parmi ces Amazones. 

La Gazette –  Comment voyez-vous l’avenir de l’humour, à une époque où l’industrie se reconfigure constamment ?

Lucie Joubert –  Je constate, à l’image de notre société actuelle qui est très polarisée,  un clivage dans certaines postures adoptées par les humoristes de la scène (je précise, parce qu’il y a de l’humour en littérature et dans les arts en général, mais, quand on parle d’humour ,on pense automatiquement aux vedettes qu’on voit dans les grandes salles ou à la télé). D’un côté, il y a les humoristes qui reconduisent avec un peu de paresse le même genre de blagues (relations hommes-femmes, comme exemple central) et, de l’autre, celles et ceux qui s’éloignent des blagues sexistes, racistes et homophobes et qui suggèrent de rire plutôt des « vraies affaires » comme les turpitudes des gouvernements ou notre responsabilité dans le délabrement de la planète. Tout ce beau monde a de nouvelles plateformes pour se faire entendre : la créativité qui en découle montre que l’humour, quand il cherche à échapper à la facilité, peut être un puissant moteur de changement et d’innovation.

La Gazette –  Vous revenez souvent en Mauricie, et votre dernier passage à l’UQTR (le 8 mars 2023, à l’invitation du Laboratoire en études féministes) a fait salle comble. Quels sont vos coups de cœurs culturels de la région ?

Lucie Joubert –  L’amphithéâtre, d’abord !  Je sais que cet endroit ne fait pas l’unanimité dans la ville mais quand j’y suis allée, la première fois, à pied à partir du centre-ville, j’ai été très émue. J’ai eu l’impression qu’une grande partie de l’histoire et de la beauté de Trois-Rivières m’était rendue. Je suis passée devant le collège Marie-de-l’Incarnation, mon alma mater où j’ai fait les 400 coups (pauvres religieuses…) et j’ai redécouvert ce magnifique édifice dont je ne voyais que la façade plus moderne quand j’étais élève, puisque les bus nous larguaient sur la rue Hart. Je m’arrête toujours devant les poèmes qui jalonnent la ville même si je les connais par cœur. C’est une façon de me reconnecter non seulement à mes origines mais aussi à l’ensemble culturel de la ville. Enfin, la culture trifluvienne pour moi se cristallise autour de quatre personnes importantes (Monique, Jean-Pierre, Guy, Jo Ann) qui se reconnaîtront et qui représentent, chacune à sa façon, des manifestations artistiques – que ce soit en livres ou en œuvres d’art – qui m’ont suivies dans mes nombreux déménagements. 

La Gazette –  Parlez-nous de votre livre en préparation ?

Lucie Joubert – Outre l’anthologie de l’humour des femmes, qui se fait en équipe (et dans le bonheur pur, que c’est motivant de travailler avec du monde qui sait et aime travailler !), je prépare un recueil d’essais dont je ne sais pas si j’aurai le courage de le publier. Non pas parce qu’on « ne peut plus rien dire » (c’est faux, on n’aura jamais autant dit n’importe quoi) mais parce qu’il exigera de moi que j’assume certaines positions peu populaires. Quand on publie, on s’expose ; il faut s’attendre à devoir gérer ce qu’on écrit. J’en sais quelque chose : L’envers du landau, un ouvrage sur la non maternité volontaire, avait été mal reçu par certaines mères.  Quand un livre paraît, il échappe à notre contrôle, il faut le laisser aller. Suis-je prête ? Hum…

Photo : Gracieuseté Lucie Joubert

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