Valérie Deschamps – Août 2020 – Chronique estivale mauricienne
Transmettre le patrimoine et partager une histoire populaire matérielle. En offrant aux objets d’hier une deuxième vie, ils sont, en quelques sortes, des passeurs et passeuses d’histoire. Antiquaires, conservateurs et brocanteurs, bien que plutôt discrets, sont toutefois bien présents dans la région. Leur réalité a bien évolué au fil des années et suit le rythme des goûts et des générations.
« C’est depuis que je suis toute petite. J’ai développé ce goût-là grâce à ma mère qui visitait des brocanteurs à l’époque ! » raconte Joëlle Hénaire, tenancière d’une boutique d’antiquités à Trois-Rivières dans le secteur Pointe-du-Lac. Même scénario pour Richard Cossette qui lui tient cette passion de son oncle. « Il vient tout juste de nous quitter. J’ai l’honneur de poursuivre la tradition » nous dit l’homme de 61 ans tenant kiosque au Marché aux puces de Grand-Mère.
Pour ces marchands d’histoire, les objets d’hier ont une âme qui leur est propre. Ils transmettent une histoire ainsi qu’une partie du patrimoine québécois. « C’est aussi ce que j’essaie de faire avec les objets qui trouvent preneurs chez moi », explique Sylvain Houle, conservateur de Shawinigan. Ayant grandi auprès des bâtiments religieux et des églises, celui qui se considère davantage comme un conservateur désire transmettre, grâce aux discussions et échanges avec ses client.es, l’histoire derrière la vie de l’objet. « Il y a toute une partie d’histoire orale qui se doit d’être transmise avec les antiquités. J’aime expliquer et aussi me faire expliquer la provenance et l’existence des objets que l’on retrouve chez moi », m’explique-t-il en m’amenant près d’une vieille figure de proue de près de 150 ans. Le passionné ajoute avec enthousiasme et sourire aux lèvres « qu’un navire sans figure de proue, ça peut manquer de chance pendant le voyage. Pis ça, on veut pas ça ! »
Par ailleurs, la clientèle des boutiques d’antiquités s’est transformée au cours des dernières années. « C’est rendu les 25-40 ans, qui ont grandi dans les années 1980-1990 avec de la mélamine partout qui recherchent des objets uniques et qui sont beaucoup plus de passage par chez nous », remarque Joëlle. Les antiquités ayant leur propre récit attirent beaucoup cette jeune génération. De plus, le meuble n’est plus l’article le plus populaire en boutique. « Ce sont les objets du quotidien qui sont le plus en demande » mentionne Richard. Planche à laver, barils, outils de la terre, chaudrons et marmites ont désormais la cote auprès des jeunes foyers.
Les trois antiquaires rencontrés remarquent que les objets que nos grands-mères et nos grands-pères utilisaient jadis ajoutent une touche de magie dans les résidences contemporaines. « Grâce aux applications comme Pinterest, les jeunes réussissent à se donner des idées de décors, ils vont même leur donner des airs du goût du jour, un p’tit peu d’amour ! » souligne Joëlle. « C’est notre histoire, c’est notre passé ! » s’exclame Sylvain.
L’engouement des nouvelles générations pour cette histoire populaire et cette culture de l’artisanat ne semblent pas sur le point de s’éteindre. Les trois passionnés semblent d’ailleurs en être convaincus. C’est cette âme à saveur populaire qui fait encore briller l’histoire dans le quotidien des contemporain.es. Servant de transmetteurs d’une histoire à une autre, les antiquaires, brocanteurs et conservateurs poursuivent le partage d’une collectivité qui fut jadis, la nôtre.
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