Isabelle Ayotte – Le communautaire : un tigre dégriffé ? – Dossier février 2021
Portraits d’organismes communautaires œuvrant auprès des personnes en situation de handicap. Entretien avec Steve Leblanc, directeur du Regroupement Mauricie, et Mélanie Lethiecq, directrice générale de l’Association des handicapés adultes de la Mauricie inc. (AHAM).
Clientèle
Selon l’Office des personnes handicapées du Québec, 16,1 % de la population vit avec une limitation significative et persistante. Les personnes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble cognitif seraient plus susceptibles de présenter des difficultés à comprendre et à suivre les règles sanitaires. Leurs routines étant constamment chamboulées depuis mars 2020, cela aurait pour effet de générer anxiété et désorganisation. Mélanie Lethiecq, directrice générale de l’AHAM s’inquiète : « Notre appréhension concerne vraiment la santé mentale des membres ».
Effets de l’isolement
Les activités de jour et les soupers communautaires étaient pour certains « leur seule occasion de socialiser, de prendre des responsabilités et de développer leur autonomie », note Steve Leblanc. Les personnes vivant en zone rurale ou ayant difficilement accès à Internet ne peuvent pas participer aux activités en ligne. Madame Lethiecq constate : « Il y a des pertes d’acquis. Des pertes de saines habitudes de vie. Nous avons donc décidé à l’automne d’instaurer une livraison de bacs d’activités à réaliser seul à la maison, ou en groupe via Messenger. »
« Nous craignons une régression majeure du respect des droits des personnes handicapées en matière d’équité sociale ». – Mélanie Lethiecq, directrice générale de l’Association des handicapés adultes de la Mauricie inc.
Des services proactifs
Malgré la difficulté d’assurer une présence, la diminution du nombre de personne par groupe et les dérogations requises pour les accompagnateurs, l’équipe de l’AHAM garde le moral et trouve des solutions pour venir en aide à ses membres. « Nous avons distribué 800 masques gratuitement à nos membres, fait des chaînes d’appels, organisé des activités par Messenger, distribué du matériel, des paniers de Noël, etc. Nous avons par la suite repris nos activités en présentiel au local avec toutes les mesures de distanciation afin d’inculquer les bonnes pratiques et méthodes d’hygiène à notre clientèle tout en poursuivant nos activités », relate Mélanie Lethiecq, qui se dit toutefois épatée par la résilience des membres.
Soins à domicile
La politique de soutien à domicile du ministère de la Santé et des Services sociaux – « Chez soi : le premier choix » – n’est pas appliquée, selon monsieur Leblanc. Les CIUSSS accordent une aide financière par le biais du Chèque-Emploi Service. Selon ce système, la personne handicapée est gestionnaire-employeur de son personnel soignant, qu’elle doit trouver et former elle-même. Cette responsabilité n’est pas une mince tâche si on considère que l’emploi est constitué d’heures coupées et que les déplacements ne sont pas remboursés. Le Regroupement Mauricie se bat pour que le tarif horaire du Chèque-Emploi Service passe de 14,95 $ à 18 $, comparativement à 24 $ de l’heure dans le réseau public en établissement. Plusieurs des bénéficiaires ont une santé précaire et ont dû diminuer le nombre de leurs employés. Le Regroupement Mauricie travaille à constituer une banque régionale de préposés à domicile afin d’offrir un service de jumelage employeur-employé sécuritaire.
Financement
Contrairement aux secteurs public et privé, les préposés aux bénéficiaires travaillant dans les organismes communautaires n’ont pas vu leur salaire bonifié des 4 $ de l’heure octroyés par le gouvernement. Le Regroupement Mauricie, la résidence Entre-Deux et la Villa Tournesol ont fait la requête pour l’ensemble du Québec. Ils ont rencontré les ministres Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, et Sonia LeBel, présidente du Conseil du Trésor. Un financement supplémentaire a finalement été accordé avant les fêtes par le Conseil du Trésor, mais le montant est encore inconnu.
Rien n’est acquis du côté de la défense des droits et cela démontre le rôle vital des organismes communautaires dans notre société. « Nous craignons une régression majeure du respect des droits des personnes handicapées en matière d’équité sociale, dont plusieurs sont présentement lésées dans la possibilité de combler leurs besoins fondamentaux. L’écart de pauvreté s’intensifie et ça nous inquiète encore plus qu’avant », souligne Mélanie Lethiecq.
Sources