Toute jeune encore, Catherine a 27 ans. Elle n’est ni travailleuse sociale, ni technicienne en éducation spécialisée, ni psychoéducatrice. Catherine est ingénieure mécanique. Elle a fait ses études universitaires à McGill, dans la métropole. À ce moment, elle s’impliquait dans des luttes féministes, notamment dans l’association des femmes en ingénierie de son université. De plus, elle a effectué une maitrise en administration des affaires. D’ailleurs, elle travaille dans son domaine, dans l’entreprise manufacturière de la famille, à Saint-Tite, sa ville de naissance. Avant même qu’elle la nomme, nous pouvons deviner l’importance de la place qu’occupe sa famille dans sa vie.
Depuis quelques mois, une fois par semaine, elle monte dans sa voiture avec sa bonne humeur et elle se rend à l’hôpital de Shawinigan. Catherine fait partie d’une grande équipe, d’une autre famille, la famille Albatros. Même si c’est la plus jeune des bénévoles, elle n’a pas moins sa place pour autant. La majorité des bénévoles sont des retraités qui, tout comme elle, incarnent les valeurs de la maison Albatros. « La valeur familiale est ma valeur principale, ma valeur la plus profonde. »
Pourquoi la maison Albatros ? Pourquoi cette clientèle ?
Catherine a mis un moment avant de répondre à la question. Puis, elle s’est lancée. Il était difficile de se détourner de ces phrases, tant celles-ci étaient intéressantes. À l’entendre parler, on comprend qu’elle n’a pas pris part à l’aventure tout bonnement. Son geste commença dans une longue discussion philosophique avec elle-même. En effet, dans sa mi-vingtaine, elle s’est demandé ce qu’elle voulait vraiment dans sa vie et surtout, ce qu’elle voulait pour le futur.
« Je pense qu’avoir beaucoup de contacts […] a un impact très bénéfique, je suis habituée d’avoir beaucoup de chaleur humaine et je voulais continuer d’avoir ces contacts-là dans le futur. »
Catherine désire elle aussi avoir une famille et suite à ces profonds moments de réflexion, elle s’est mise à penser justement aux personnes qui n’ont pas cette chance. C’est donc sa charmante voisine, Diane, déjà très impliquée dans le mouvement Albatros, qui l’a initiée. Catherine considère les personnes âgées comme des « richesses oubliées », elle s’est donc inscrite à la formation et depuis, elle écoute les personnes en fin de vie. Elle précise toutefois que ce ne sont pas tous les gens en fin de vie qui sont âgés, mais la majorité. Selon elle, la société devrait prendre plus le temps de s’asseoir et d’écouter l’âge d’or. Ils ont une expérience de vie riche et prendre le temps de l’entendre semble avoir une énorme valeur pour elle.
Le faire pour les autres ou pour soi?
Catherine ne s’en cache pas, ces moments privilégiés avec des personnes qui ont moins de deux semaines à vivre lui font du bien, étrangement. La jeune femme d’affaires raconte que lorsqu’elle est face à face avec une personne en fin de vie, elle tombe dans un état qu’elle qualifie de « presque méditatif ».
« Ma vie de tous les jours va à cent milles à l’heure, les courriels, les téléphones, ça n’arrête jamais ! Quand tu es avec eux, tu ne peux pas être ailleurs. »
Ces moments sensibles viennent la recentrer, voire la ressourcer. Elle explique que cela lui permet de rationaliser, que même si sa livraison d’acier arrive en retard, elle ne doit pas s’en faire. Elle constate aussi la chance inouïe d’avoir une famille tissée serrée. D’ailleurs, rien qui lui fend plus le cœur que de voir des membres d’une même famille en conflit.
Sa relation avec la mort a également changé. « Avant, nos grands-parents mouraient dans leur maison. C’étaient les membres de la famille qui transportaient le corps. On était confronté à la mort beaucoup plus jeune et notre relation avec elle était différente. »
Catherine réussit à voir la beauté dans l’esprit des gens avant leur grand départ. Elle prend soin de ceux-ci, comme s’ils étaient de sa famille.